La CIJ impose à la Birmanie des mesures de protection des Rohingya

par Stephanie van den Berg

LA HAYE (Reuters) - La Cour internationale de justice de l'Onu (CIJ) a ordonné jeudi à la Birmanie de prendre des mesures d'urgence pour protéger les Rohingya contre les persécutions et de conserver les preuves des crimes présumés commis par l'armée à l'encontre de cette minorité musulmane.

Basée à La Haye (Pays-Bas), la CIJ avait été saisie en novembre dernier par la Gambie, pays à majorité musulmane, pour violation de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée en 1948.

Les Rohingya restent confrontés à un "grave risque de génocide", a estimé jeudi le président de la CIJ, Abdulqawi Yusuf. La Birmanie doit donc prendre "toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher de tels actes" et user de "son influence sur l'armée et d'autres groupes armés" pour prévenir ces actes.

La Cour, qui donne quatre mois à la Birmanie pour lui rendre compte de la mise en application de ces mesures, parle notamment de "meurtre", de "lésions corporelles ou mentales graves" et de "soumission délibérée du groupe à des conditions de vie devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle".

Plus de 730.000 Rohingya ont fui la Birmanie et ont trouvé refuge au Bangladesh voisin à la suite d'une répression militaire lancée en 2017 et menée, selon l'Onu, avec des "intentions génocidaires".

La décision rendue ce jeudi par la Cour ne concerne que la demande de mesures d'urgence de protection formulée par la Gambie et ne présage pas de la décision finale qui pourrait n'être rendue que dans plusieurs années.

Les décisions de la CIJ sont théoriquement contraignantes et ne peuvent faire l'objet d'aucun recours mais, dans les faits, elle n'a aucun moyen de les imposer et il est arrivé dans le passé que des pays n'en tiennent aucun compte.

S'exprimant devant la CIJ en décembre, la dirigeante birmane et lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, Aung San Suu Kyi, a démenti toute intention génocidaire à l'encontre des Rohingya et estimé qu'il serait plus judicieux de laisser le dossier entre les mains de la justice birmane.

(version française Jean Terzian et Marine Pennetier, édité par Henri-Pierre André)