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Le bilinguisme bénéfique pour les enfants autistes ?

On le savait bénéfique contre le déclin cognitif et les séquelles d’un AVC. Des chercheurs suisses, anglais et grecs des universités de Genève, Cambridge et Thessalie semblent avoir mis en évidence un nouvel avantage au bilinguisme, le fait de parler deux langues. Selon les résultats de leur étude parue dans Autism Research, il atténuerait certains aspects de l’autisme, ce trouble neuro-développemental qui touche plus d’un enfant sur cent.

Ainsi, les scientifiques ont cherché à déterminer si les effets du bilinguisme étaient les mêmes chez les enfants sans autisme que chez les enfants avec autisme. Plusieurs études ont en effet démontré que les enfants sans autisme manipulant plusieurs langues voyaient certaines aptitudes augmentées par rapport aux enfants monolingues. Des aptitudes liées à la « théorie de l’esprit » et aux fonctions exécutives.

Or, ces aptitudes font généralement défaut aux enfants avec autisme. La « théorie de l’esprit » recouvre le fait de comprendre les croyances, les émotions, les intentions et les désirs d’autrui, et les fonctions exécutives comprennent les processus cognitifs nécessaires au contrôle des pensées et du comportement, et orientés vers un but.

Gymnastique cérébrale

Les chercheurs ont donc suivi une centaines d’enfants autistes âgés de 6 à 15 ans, dont près de la moitié étaient bilingues, pour évaluer leurs différentes aptitudes. Les enfants bilingues ont donné 76% de réponses correctes aux tâches relevant de la théorie de l’esprit (contre 57% pour les enfants monolingues) ; pour les tâches relatives aux fonctions exécutives, les enfants bilingues étaient deux fois plus performants que les enfants monolingues.

Pour la chercheuse grecque Eleni Peristeri, co-auteure de l’étude, l’explication est simple : « le bilinguisme demande justement à l’enfant de travailler dans un premier temps les capacités directement liées à la théorie de l’esprit, c’est-à-dire qu’il doit constamment se préoccuper de la connaissance d’autrui : est-ce que mon interlocuteur parle grec ou albanais ? Dans quelle langue dois-je m’adresser à lui ? Puis, dans un deuxième temps, l’enfant fait appel à ses fonctions exécutives en focalisant son attention sur une langue, tout en inhibant la seconde ».

Les résultats de cette étude indiquent donc que cette gymnastique du cerveau agirait favorablement sur les déficits liés au trouble autistique. Et c’est potentiellement une petite révolution pour les familles bilingues dont un enfant est porteur d’autisme : « les familles bilingues ont tendance à renoncer à l’utilisation d’une des deux langues afin de ne pas complexifier davantage l’apprentissage de l’enfant », explique la linguiste suisse Stéphanie Durrleman, l’autre co-auteure de l’étude. « Mais l’on voit bien aujourd’hui que loin de mettre l’enfant autiste en difficulté, le bilinguisme peut au contraire l’aider à surmonter plusieurs aspects de son trouble, en servant en quelque sorte de thérapie naturelle ».