Biélorussie: manifestants tués, arrestations, exils, les contestations violemment réprimées

Des manifestations à Minsk  - Dimitar DILKOFF / AFP
Des manifestations à Minsk - Dimitar DILKOFF / AFP

La tension est loin d'être retombée en Biélorussie. Quatre jours après la très polémique élection présidentielle qui a vu Alexandre Loukachenko s'imposer pour la sixième fois avec un peu plus de 80% des votes, les manifestations se poursuivent dans les rues de la capitale, Minsk, et des principales villes du pays.

Deux manifestants morts depuis dimanche

Ce mercredi, les autorités locales ont rapporté la mort d'un manifestant interpellé lors de l'un de ces rassemblements, la deuxième disparition recensée depuis le début de ce mouvement de contestation violemment réprimé.

Le Comité d'enquête, un puissant organe d'investigation, a indiqué qu'un homme de 25 ans était mort dans un hôpital de Gomel dans le Sud du pays après avoir été arrêté dimanche lors d'une "manifestation non autorisée". Selon cette source, qui ne précise pas la date exacte du décès, sa santé s'est "subitement dégradée" alors qu'il était en détention.

Dans l'hyper-centre de la capitale, les stations de métro ont été fermées mercredi soir et la circulation complètement interdite. De nombreux policiers étaient également déployés dans plusieurs rues principales.

6700 interpellations

Ce jeudi matin, le ministère biélorusse de l'Intérieur a fait le bilan d'une nouvelle journée chaotique, où 700 personnes ont été interpellées au cours du quatrième jour de contestation, portant le total des arrestations à 6700.

"Les troubles dans le pays ont perdu de leur caractère massif", a cependant jugé le service de presse du ministère sur son compte Telegram, "mais le niveau d'agressivité à l'égard des forces de l'ordre reste élevé."

En outre, 103 policiers ont été blessés depuis dimanche, dont 28 sont hospitalisés. Le ministère n'a pas apporté de précisions quant au bilan côté manifestants, contre lesquels des balles en caoutchouc, coup de matraques et grenades sonores sont utilisés sans retenue.

Mobilisation populaire

A travers le pays, et malgré la répression, les manifestations se poursuivent. Près de la station Ouroutché, au nord-est de Minsk, des manifestants ayant formé une chaîne humaine ont été dispersés et frappés par des policiers, au milieu des cris, selon une journaliste de l'AFP.

Des dizaines de femmes ont également formé des chaînes humaines dans d'autres endroits de la capitale pour dénoncer la répression policière visant les protestations contre la réélection le 9 août du président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans.

"Vous êtes aussi le fils de quelqu'un!", proclamaient des pancartes portées par une cinquantaine de manifestantes, vêtues de blanc, dans la rue Sourganov, une artère d'habitude très animée de la capitale, ce soir quasiment vide.

De nombreuses scènes de passage à tabac de manifestants ont été diffusées sur les réseaux sociaux, alors que le président Loukachenko a qualifié les protestataires de "chômeurs au passé criminel."

L'exil des opposants

Ce mercredi, la télévision publique biélorusse a publié un reportage montrant six jeunes manifestants présumés, menottés et le visage tuméfié, disant face à la caméra qu'ils ne "voulaient pas faire la révolution."

De fait, de nombreux opposants ayant fui les répressions ont trouvé refuge dans les pays voisins membres de l'UE, à l'instar de la candidate malheureuse à la présidentielle de dimanche Svetlana Tikhanovskaïa, qui a obtenu l'asile en Lituanie.

Cette femme de 37 ans a quitté mardi le pays pour cette autre ancienne république soviétique appartenant aujourd'hui à l'Otan, disant dans une vidéo avoir pris "seule" cette "décision très difficile", après cette élection qu'elle assurait avoir remportée face au chef de l'Etat sortant Alexandre Loukachenko,.

"Je sais que beaucoup me condamneront, beaucoup me comprendront, beaucoup me haïront", avait-elle alors ajouté, évoquant ses deux enfants, qu'elle avait déjà envoyés à l'étranger de crainte de mesures coercitives.

La Lituanie, qui partage une frontière de 680 kilomètres avec la Biélorussie, est depuis longtemps une terre d'accueil d'opposants biélorusses et russes.

Quelle médiation possible?

Outre la Lituanie, la Lettonie, et la Pologne, deux autres voisins de la Biélorussie membres de l'UE, ont présenté mercredi un plan de médiation dans ce pays.

"Je souhaite présenter un plan en trois points qui pourrait devenir un prélude à la médiation des présidents de la région pour résoudre la crise politique en Biélorussie", a déclaré à la presse Gitanas Nauseda.

Dans le cadre de ce plan, le président sortant Alexandre Loukachenko devrait créer un "conseil national" réunissant des représentants du gouvernement et de la société civile, sous peine de sanctions de l'UE, libérer les manifestants détenus et "mettre un terme à l'usage de la force contre ses citoyens", a-t-il indiqué.

La proposition est pour le moment restée lettre morte.

Article original publié sur BFMTV.com