"On a besoin de son énergie": comment Gabriel Attal compte exister après la nomination de Michel Barnier

Après avoir passé le pouvoir à Michel Barnier, Gabriel Attal ne compte pas en rester là. Tandis qu'il a ouvert les journées parlementaires d'Ensemble pour la République dont il a pris la tête, il prépare son après-Matignon.

Huit mois, et après? Voilà une fin de règne que Gabriel Attal n'avait pas imaginée en devenant Premier ministre le 9 janvier 2024. Six mois plus tard à peine, la dissolution surprise de l'Assemblée et le résultat des législatives anticipées le poussent à livrer sa démission le 16 juillet. La coalition présidentielle n'atteint pas la majorité relative: pour Gabriel Attal, ce score sonne la fin.

Premier ministre démissionnaire pendant la trêve olympique, son passage à Matignon s'est définitivement achevé avec la nomination par Emmanuel Macron de Michel Barnier jeudi 5 septembre. Son passage a été express, le deuxième plus succinct de la 5e République. "Huit mois, c'est court", a-t-il reconnu dans son discours de passation.

"À vivre, personnellement, sa situation a été très violente", observe un député macroniste auprès de BFMTV.com.

"Mais une nomination en politique, c'est comme une nomination à un poste de sélectionneur de foot: à la minute où vous êtes choisi, vous savez que vous pouvez tomber", ajoute l'élu.

Pour la suite, Gabriel Attal compte bien pousser ses dossiers "éducation" et "harcèlement scolaire" sur le bureau de Michel Barnier, comme annoncé pendant sa passation. Après avoir déjà brigué la tête des députés Ensemble pour la République (EPR) à l'Assemblée, il pourrait viser le secrétariat général du mouvement. Tandis qu'il a ouvert ce mardi 10 septembre, la première journée parlementaire macroniste.

La frustration était palpable pour le plus jeune des Premier ministre lors de sa passation de pouvoir avec celui devenu le plus âgé à ce poste. Lors d'un discours, inhabituellement long sur le perron de Matignon, Gabriel Attal a eu des mots très politiques: "Continuez à faire de l'école une priorité absolue de la République", a-t-il enjoint son successeur avant de pointer une politique française "malade" du "sectarisme" et des "coups politiques".

Prenant date pour l'avenir, il conclut enfin: "La liberté sera au cœur des valeurs qui m’animeront dans les mois et les années à venir". "Je peux dire quelques mots?", interroge, l'air amusé, Michel Barnier avant de faire remarquer, grinçant: "J’ai bien aimé la manière dont vous m’avez donné des, non pas des leçons, enfin, les enseignements, même si ça n’a duré que huit mois, que l’on apprend quand on est Premier ministre".

Et l’ex-commissaire européen à la longue carrière politique d'ajouter sur un air plus professoral: "Qu’est-ce qu’on attend d’un Premier ministre? Je le dis avec humilité, je pense qu’on attend de lui qu’il dise la vérité. Même si cette vérité est difficile".

"Il faudra enfin beaucoup d’écoute, beaucoup de respect (…) Davantage agir que parler", a enfin lancé Michel Barnier à son prédécesseur, reconnu pour être notamment, un très bon communicant.

"Dans sa passation de pouvoir, Gabriel Attal se trompe de cible. Il vise Emmanuel Macron, mais s'adresse à son successeur. Il vit cette passation passionnellement, alors qu'elle est rationnelle au fond", analyse pour BFMTV.com un poids lourd du parti présidentiel.

Devenu chef des députés Ensemble après avoir été réélu dans la 10 des Hauts-de-Seine, Gabriel Attal compte sur sa nouvelle casquette pour continuer à peser dans les décisions de son successeur.

Il avait d'abord plaidé pour un Premier ministre venu de la gauche, il a ensuite prôné "ni volonté de blocage, ni soutien inconditionnel", lors de sa consultation vendredi 6 septembre avec Michel Barnier, a-t-il relaté aux députés Ensemble.

En amont du premier face-à-face entre l'ancien ministre Les Républicains et les macronistes ce mardi 10 septembre au soir lors des journées parlementaires, le chef a briefé ses troupes:

"Tout blocage stérile" sera écarté, mais "le droit d'être exigeant" prôné, a indiqué Gabriel Attal. "Nous ne sommes pas près de brader nos valeurs", a-t-il insisté en ouvrant la réunion des 97 députés du groupe EPR ce mardi.

"Pour la première fois depuis sept ans, nous avons un Premier ministre qui n’appartient pas à notre famille politique. Ça impose une réflexion sur notre positionnement et notre stratégie", a-t-il également prévenu.

"Nous avons le droit de dire que notre soutien ne peut pas être tenu pour acquis et qu’il passe par des engagements forts sur notre programme législatif, sur nos idées et sur nos valeurs", a-t-il ajouté.

Après avoir parcouru la France pour soutenir les candidats Renaissance pendant la campagne des législatives, Gabriel Attal peut compter sur une forte popularité au sein des macronistes, des membres du parti et des militants.

"On ne peut pas dire qu'il ne mouille pas la chemise. Ça a été un vrai chef de la majorité, avenant, bienveillant et disponible. Ce sera un futur très bon chef de groupe et ailleurs certainement", assure auprès de BFMTV.com la membre du parti et très proche de l'ex-Premier ministre, Nadia Hai.

La candidate malheureuse aux législatives se souvient: pendant la campagne, "chacune de ses apparitions provoquait un engouement. Un carton plein".

"Vous pourrez compter sur moi pour être, toujours, l’inlassable défenseur de notre unité", a-t-il déclaré, une fois nommé, dans un message-profession de foi à l'adresse de ses députés le jour de son élection à la tête du groupe à l'Assemblée. Élection où il était d'ailleurs le seul candidat en lice.

Toujours dans l'optique de s'assurer un après-Matignon, l'ambitieux député des Hauts-de-Seine pourrait ne pas s'arrêter là. Après le groupe parlementaire, le voilà qui pourrait viser le secrétariat général du parti. Mais face à lui, une adversaire de taille, qui, elle aussi, peut se targuer d'avoir eu son passage à Matignon: Élisabeth Borne.

"Gabriel Attal est président de notre groupe à l’Assemblée nationale et c’est très important, car on a besoin de son énergie et de son talent", a déjà insisté l'ancienne Première ministre dans un entretien au Parisien le 2 août. Ajoutant: le parti macroniste n’a "pas vocation à être une chapelle ou une écurie présidentielle".

"Son style énerve peut être", accorde Nadia Hai, "mais c'est surtout parce qu'il réussit", ajoute-t-elle.

Après le porte-parolat, le ministère de l'Éducation et de la Jeunesse, Matignon, la tête du groupe des députés macronistes, peut-être même la tête du parti créé par Emmanuel Macron, Gabriel Attal envisage-t-il une suite présidentielle pour 2027?

"Évidemment", murmurent certains dans le mouvement. "C'est l'insolence de la jeunesse", s'amuse un député EPR. Quoique le député des Hauts-de-Seine vise, "attention à ne pas tomber dans le combat de coqs", prévient un ministre démissionnaire, "et de rester dans la consultation des troupes", ajoute un macroniste de longue date.

Article original publié sur BFMTV.com