Bernard Cazeneuve Premier ministre ? La nouvelle rumeur qui agite l’été politique
Dans le brouillard actuel, certains imaginent l’ancien Premier ministre de François Hollande capable de former un gouvernement de concorde nationale.
POLITIQUE - C’est une vidéo de quelques secondes, opportunément exhumée sur les réseaux sociaux ces jours-ci. L’ancien ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, interrogé par Darius Rochebin, s’y fait, comme à son habitude, le défenseur de la modération et du compromis. « Je n’ai jamais refusé de mettre de la sagesse là où il y a de la déraison. Et s’il faut le faire de façon collective, je serai toujours prêt à ça », défend-il notamment.
À la question de savoir s’il ferait un bon Premier ministre, une tâche qu’il a déjà assumée quelques mois sous François Hollande, il répond : « Dans cette affaire, je suis totalement désintéressé. Ma seule préoccupation, c’est de faire en sorte que le pays ne bascule pas. » En langage politique, on comprend que la porte est tout sauf fermée.
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Un peu plus loin dans l’interview, enregistrée le 13 juillet, soit moins d’une semaine après le résultat du second tour des élections législatives, Bernard Cazeneuve dresse le panorama d’un paysage politique « dévasté », « difficilement maîtrisable » et pointe un risque : « l’ingouvernabilité du pays ». Face à ce schéma catastrophe, s’imagine-t-il en solution de recours ? C’est une hypothèse sur laquelle semble plancher Emmanuel Macron, en vacances à Brégançon. Le Président a promis de laisser courir les JO et réfléchit, selon le Parisien, à deux noms : l’un à droite, Xavier Bertrand, et un autre plus marqué à gauche, Bernard Cazeneuve. Ce dernier se serait même entretenu par téléphone avec le chef de l’État, assure le quotidien.
« Bernard Cazeneuve est l’homme qu’il faut »
En plein cœur de l’été, alors que les yeux des Français sont quasi exclusivement tournés vers les JO et que l’actualité politique reflue mécaniquement, le nom de l’ancien socialiste jeté en l’air ne constitue-t-il qu’un ballon d’essai ? Ou pire, se transformera-t-il en pétard mouillé ? Le député Olivier Falorni, ancien cadre du PS exclu pour s’être présenté face à Ségolène Royal en 2012, soutient pourtant l’idée. « Un homme d’État reconnu par la droite. Un homme de gauche reconnu par la gauche. Pour moi, Bernard Cazeneuve est l’homme qu’il faut pour gouverner la France et rassembler le pays », a-t-il écrit sur X.
« Stature d’homme d’État »
Le profil de l’ancien ministre de l’Intérieur, en première ligne lors des attentats de 2015, pourrait plaire à Emmanuel Macron ; les deux hommes ont d’ailleurs été membres du même gouvernement. Sa « stature d’homme d’État » et son intransigeance sur les valeurs de laïcité et de sécurité en font une personnalité politique plutôt appréciée à droite… Mais beaucoup moins à gauche. Et là réside son principal handicap.
Car la force politique arrivée en tête aux élections législatives demeure le Nouveau Front populaire, alliance à laquelle Bernard Cazeneuve a refusé de participer. Le voir nommé à Matignon aurait quelque chose d’incohérent. Socialistes, communistes, écologistes et Insoumis continuent de pousser le nom de Lucie Castets.
« Une nouvelle génération s’est levée »
Au Parti socialiste, qu’il a quitté en 2022 après l’accord de la Nupes conclu avec La France insoumise, c’est une figure tabou. Une bonne part, proche d’Olivier Faure, rejette son héritage. « Bernard Cazeneuve incarne une gauche qui a des toiles d’araignée sous les bras, dont nous ne voulons plus. Une nouvelle génération s’est levée, c’est d’elle dont on doit parler maintenant », évacue auprès du HuffPost une cadre du PS. L’inimitié est réciproque puisque l’entourage de Cazeneuve déclare tout de go : « Le PS est devenu inaudible, n’a plus de position sur rien, ne produit plus de pensée. Ils sont dans l’opposition à Emmanuel Macron très bien, mais ça ne définit pas un projet politique ».
Détestation entre Cazeneuve et Mélenchon
S’il entrait à Matignon, nul doute que Bernard Cazeneuve ouvrirait grand les bras et formerait un gouvernement « d’entente nationale » ou de « concorde ». Des personnalités de droite et de gauche pourraient alors être nommées ministres. Et le NFP dans tout ça ? Impossible d’imaginer La France insoumise appartenir à un tel attelage.
La détestation entre Bernard Cazeneuve et Jean-Luc Mélenchon est connue. Elle est d’abord politique : le leader insoumis brocarde « la loi permis de tuer » de 2017, qui a profondément modifié la doctrine d’emploi des armes par les policiers, notamment en cas de refus d’obtempérer, et reproche à son adversaire d’avoir « une responsabilité dans la montée du RN ». En 2016, Mélenchon qualifiait Cazeneuve de « danger public » et lui demandait, quelques années après la mort de Rémi Fraisse, « de se taire au lieu de continuer à mentir et [l]’insulter ».
Candidat à aucune élection
Avec Fabien Roussel (PCF), les relations sont bien meilleures. Les deux hommes s’étaient rencontrés l’hiver dernier, le communiste considérant la Nupes « dépassée » et appelant à l’élargir, jusqu’à Bernard Cazeneuve « et ses amis ». Il faut dire que le nom du fondateur de La Convention, lancée il y a un an, revient régulièrement dans le débat public. Le principal intéressé s’est pourtant toujours défilé et ne se présente plus à aucune élection. Le PS voulait en faire sa tête de liste aux européennes ? Sans lui.
Une candidature aux élections législatives ? Même pas en rêve. Une roue de secours en cas de crash d’Anne Hidalgo dans la course vers l’Élysée en 2022 ? Il se dérobe. La dernière fois qu’il a été candidat à une élection, c’était en 2012, aux élections législatives. Avec Bernard Cazeneuve, son costume trois-pièces, son style policé et son phrasé d’un autre temps, rien n’est jamais simple. Ni vraiment prévisible. Encore moins quand la clé de l’équation s’appelle Emmanuel Macron.
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