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Nouvel échec des négociations avec les gardiens de prison

Les discussions entre la ministre de la Justice Nicole Belloubet et les syndicats de l'administration pénitentiaire ont tourné court mardi et les organisations syndicales ont appelé à la poursuite du mouvement des gardiens, qui a débuté le 15 janvier. /Photo prise le 15 janvier 2018/REUTERS/Gonzalo Fuentes

PARIS (Reuters) - Les discussions entre la ministre de la Justice Nicole Belloubet et les syndicats de l'administration pénitentiaire ont tourné court mardi et les organisations syndicales ont appelé à la poursuite du mouvement des gardiens, qui a débuté le 15 janvier.

Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a déclaré au Sénat que l'exécutif en prenait acte mais appelait à la reprise du dialogue et "au sens des responsabilités de chacun car cette activité ne peut pas être interrompue".

Selon la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), au plus fort de la journée de mardi 122 des 188 prisons françaises ont été touchées à des titres divers par le mouvement des gardiens, qui demandent notamment une amélioration de leurs conditions de travail, en particulier en matière de sécurité.

Sur ces 122 établissements, 45 n'ont pas pu reprendre un service normal et la DAP, qui a mis en place une cellule spéciale dimanche, a fait appel à des gendarmes et policiers dans 11 d'entre eux pour suppléer les surveillants.

"On a une multiplication de refus de détenus de réintégrer leurs cellules", notamment à Laval (Mayenne) et Nantes (Loire-Atlantique), a-t-on déclaré de même source à Reuters, en citant au moins quatre cas d'établissements concernés.

Après l'échec d'une première phase de négociations, Nicole Belloubet avait repris lundi les discussions en main. Elle a rencontré de nouveau mardi après-midi les dirigeants de l'Ufap-Unsa Justice, du SNP Force ouvrière et de la CGT Pénitentiaire.

Mais ces trois organisations ont rapidement claqué la porte, faute d'engagement clair de la ministre, ont-elles expliqué, sur leurs revendications, et malgré la promesse d'un effort de 30 millions d'euros en matière de primes et d'indemnités.

L'Ufap-Unsa Justice, premier syndicat de surveillants, et la CGT pénitentiaire contestent la répartition de cette enveloppe entre trois primes, dont une "prime de sécurité" de 1.400 euros pour les gardiens les plus exposés aux détenus dangereux.

"C'est une prime à se faire trancher la gorge, ce n'est pas terrible", a dit à Reuters le secrétaire général de l'Ufap-Unsa, Jean-François Forget. Christopher Dorangeville, son homologue de la CGT Pénitentiaire, parle de "prime à l'agression".

"ÇA A CLASHÉ TRÈS VITE"

CGT pénitentiaire et SNP Force ouvrière insistent sur l'ouverture de négociations statutaires pour permettre au personnel pénitentiaire, en grande majorité en catégorie C de l'administration, d'accéder à la catégorie supérieure, ce que refuse la garde des Sceaux.

Les syndicats n'ont pas non plus obtenu d'engagement de la ministre de la Justice concernant leur demande d'abrogation de l'article 57 de la loi pénitentiaire de novembre 2009, qui encadre strictement la fouille des détenus.

En matière de création d'emplois supplémentaires, Nicole Belloubet en reste aux 1.100 postes proposés par la DAP lors de la première phase de négociations, la semaine passée.

"On n'a pas parlé de grand-chose, ça a clashé très vite", a raconté à Reuters Jean-François Forget. "On n'a des réponses sur rien. On a déposé notre plateforme en demandant qu'ils nous répondent par écrit."

La CGT Pénitentiaire demande pour sa part la nomination d'un médiateur. "Nous voyons bien que la ministre ne peut plus répondre à nos demandes", explique Christopher Dorangeville.

Une proposition écartée mardi soir par Nicole Belloubet.

"Je suis tout à fait décidée à gérer ce dossier, je le connais bien et donc je ne suis pas absolument certaine qu'un médiateur soit indispensable à ce stade", a-t-elle dit sur LCI. Elle a assuré que sa "porte (restait) ouverte".

Les trois syndicats appellent les surveillants à poursuivre et à amplifier leur mouvement.

Jean-François Forget n'exclut pas que le blocage d'établissements pénitentiaires entrave notamment l'extraction de son lieu de détention de Jawad Bendaoud, dernier logeur de deux des auteurs des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, qui est jugé à partir de mercredi.

"Cette position n'est absolument pas acceptable", a réagi la garde des Sceaux, qui brandit la menace d'un recours aux forces de l'ordre si cela est nécessaire "pour permettre le bon déroulement du service public".

Ce mouvement a été déclenché par l'agression, le 11 janvier, de plusieurs gardiens de la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) par un détenu condamné pour complicité dans un attentat. Puis la colère des gardiens a été alimentée par une série de nouveaux incidents ailleurs en France.

Interrogée sur les problèmes posés par ce type de prisonniers, Nicole Belloubet a déclaré sur LCI que le nombre de places en isolement serait porté de 70 à 120 et que des quartiers de 10 à 20 places pour détenus violents seraient ouverts dans 78 établissements pénitentiaires.

"Ça nous permettra de prendre en charge une population d'à peu près 1.500 personnes", a-t-elle précisé. "On peut le faire assez rapidement puisqu'il ne s'agit pas de construire des bâtiments nouveaux mais d'isoler vraiment des ailes de bâtiments qui existent déjà."

(Emmanuel Jarry, avec Simon Carraud et Jean-Baptiste Vey, édité par Sophie Louet)