Barrot évoque une « immunité » pour Netanyahu et met la gauche en colère, qui déplore une « impunité »

« Immunité ou impunité ? » La gauche tombe sur Barrot après sa déclaration sur Netanyahu (Photo d’illustration prise le 24 octobre 2023 en marge d’une conférence de presse à Jérusalem d’Emmanuel Macron et Benjamin Netanyahu)
CHRISTOPHE ENA / AFP « Immunité ou impunité ? » La gauche tombe sur Barrot après sa déclaration sur Netanyahu (Photo d’illustration prise le 24 octobre 2023 en marge d’une conférence de presse à Jérusalem d’Emmanuel Macron et Benjamin Netanyahu)

POLITIQUE - L’embarras du ministre. Interrogé ce mercredi 27 novembre sur ce que feraient les autorités en cas de visite de Benjamin Netanyahu en France, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a évoqué de possibles « questions d’immunité » pour « certains dirigeants » visés, comme le Premier ministre israélien, par un mandat de la Cour pénale internationale, sans entrer dans davantage de détails.

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Précision du quai d’Orsay dans la matinée : selon Paris, le Premier ministre israélien bénéficie d’une « immunité » qui « devra être prise en considération si la CPI devait nous demander leur arrestation et remise ». Dans un communiqué, publié quelques minutes après le passage du chef de la diplomatie sur franceinfo, le ministère invoque les obligations prévues dans le droit international liées aux « immunités des États non parties à la CPI », ce qui est le cas d’Israël. Il ajoute que ces protections « s’appliquent » à Benjamin Netanyahu, comme à ses ministres visés par un mandat d’arrêt de la juridiction.

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Cette position, est-il expliqué, se justifie par un article du Statut de Rome de 1998 qui institue la CPI. Il n’empêche, l’article en question peut rester ouvert à diverses interprétations, et celle faite par Paris suscite un vent de réprobation à gauche de la scène politique française.

Tondelier imagine un « deal »

Nombre d’élus insoumis fustigent ainsi une décision « honteuse », une « faute historique. » « N’est-ce pas plutôt une ’impunité' ? », s’interroge par exemple le coordinateur du mouvement de gauche radicale, Manuel Bompard quand son collègue Thomas Portes estime que « la France se couvre une fois de plus de honte », car « il n’y a aucune immunité pour un criminel de guerre qui commet un génocide. »

Parmi les réactions outrées, on retrouve également celle de la députée communiste Elsa Faucillon. Pour elle, « le choix honteux » de Paris « foule aux pieds le droit international et encourage l’impunité de l’État israélien dans sa guerre génocidaire. » « Le gouvernement français trahit une fois de plus les valeurs de justice et de droit », cingle l’élue des Hauts-de-Seine sur les réseaux sociaux.

Toujours à gauche, la secrétaire nationale des écologistes accuse la France et Emmanuel Macron de commettre une « erreur historique, très très lourde » en « se pliant une fois de plus aux exigences de Benjamin Netanyahu en le choisissant lui plutôt que la justice internationale. » « C’est tragique », écrit Marine Tondelier dans un long message publié sur X, imaginant au passage un « deal » avec Israël « pour que la France soit citée dans le communiqué d’annonce officiel du cessez-le-feu au Liban publié conjointement par la France et les États-Unis hier. »

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Et elle n’est pas la seule à évoquer une contrepartie de la sorte. Le journal israélien Haaretz affirme, citant une source israélienne, que les « remarques » françaises sur la CPI « étaient une exigence israélienne dans les négociations » qui ont permis d’aboutir à un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah.

De fait, la clarification des autorités hexagonales intervient quelques heures après l’entrée en vigueur, tôt mercredi matin, de cet accord attendu, et qui fait suite à plus d’un an d’hostilités transfrontalières et deux mois de guerre ouverte.

« Poutine ne sera pas arrêté s’il vient à l’Unesco ? »

Or, après l’annonce par la CPI du mandat d’arrêt visant Benjamin Netanyahu (et d’autres), la France avait répété qu’elle appliquerait ses obligations au titre du droit international, sans toutefois dire clairement si elle arrêterait le Premier ministre israélien si celui-ci venait en France. Une position plus floue que d’autres pays, comme l’Italie et le Royaume-Uni qui ont immédiatement annoncé qu’ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI.

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Dans ce contexte, plusieurs élus à gauche dénoncent la position à géométrie variable de Paris en rappelant par exemple la fermeté de la France à l’égard de Vladimir Poutine pour mieux dénoncer « l’impunité » de Benjamin Netanyahu. Et pour cause : comme pour Israël, la Russie n’est pas membre de la CPI. « Si l’on va au bout de la logique de ce que dit (le communiqué du quai d’Orsay), que doit-on comprendre ?, s’interroge par exemple Marine Tondelier, que Poutine ne sera pas arrêté s’il vient à l’Unesco ? »

En ce sens, la députée LFI Gabrielle Cathala exhume un ancien communiqué publié par le quai d’Orsay après la décision de la CPI, en mars 2023, d’émettre un mandat d’arrêt contre le maître du Kremlin. « Cette décision fera date. Aucun responsable de crimes commis par la Russie en Ukraine, quel que soit son statut, ne doit échapper à la justice », se félicitait alors la diplomatie française. En comparaison, écrit l’élue insoumise du Val-d’Oise, « la France organise bien l’impunité de Netanyahu ».

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