"Les Barbares", la comédie de Julie Delpy qui déjoue les clichés sur les migrants
Rire sur l'accueil des migrants en France sans basculer dans les clichés et sans se moquer des personnes concernées: c'est le numéro d'équilibriste accompli par Julie Delpy dans son nouveau film Les Barbares. Une comédie en salles ce mercredi qui ose, comme rarement en France, rire d'une situation dramatique.
Dans le village de Paimpont, les habitants décident dans un grand élan de solidarité d'accueillir des réfugiés ukrainiens. Mais un problème administratif modifie leur plan et c'est une famille syrienne qui débarque à la place, dans cette petite commune de Bretagne.
Les habitants vont alors se déchirer entre ceux qui, comme Joëlle l'institutrice militante (Julie Delpy), ouvrent leurs bras aux réfugiés, et les plus hostiles, menés par Hervé, plombier raciste et conseiller municipal (Laurent Lafitte) qui va tenter de rallier le reste du village à sa cause.
Rire malgré la tragédie
Face à la crise des migrants, Julie Delpy a souhaité prendre à bras-le-corps ce sujet pour questionner "notre propre capacité à l'accueil", précise-t-elle auprès de BFMTV.com. Persuadée que l'on "peut faire de la comédie sur tous les sujets", la réalisatrice a voulu "rire de nos propres failles".
Évoquer avec "une certaine légèreté" une actualité aussi brûlante a nécessité "un travail d'écriture pointu", détaille la réalisatrice. "C'est toujours au fil du rasoir ce genre de comédies. Il ne faut pas que ce soit pas assez, parce que sinon ce n'est pas drôle. Et si c'est trop, c'est lourd."
Le film était déjà en développement lorsque la guerre en Ukraine a éclaté en 2022. "On était déjà en train de suivre des réfugiés syriens et on a été frappé du deux poids, deux mesures. On n'a pas vu la même mobilisation pour d'autres pays. C'était tragique, mais on pouvait en faire quelque chose de drôle."
Déni français
Après les polémiques suscitées par Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu? (2014) et A bras ouverts (2017), deux comédies à succès, accusées de racisme, le cinéma français se tient à distance du sujet. Installée aux États-Unis, Julie Delpy a tenté d'échapper aux clichés en adaptant "une forme d'humour anglo-saxon à un film français".
"On ne fait jamais son autocritique en France. Les Américains et les Anglais sont plus habiles avec ça dans leurs films. En France, plus qu'ailleurs, il y a une sorte de déni de vouloir parler de façon humoristique des gros problèmes (de société). C'est étrange. Je ne sais pas comment expliquer cela."
Julie Delpy a pris garde, avec ses scénaristes, de ne pas faire rire des saillies du plombier raciste. Un défaut, selon elle, de plusieurs comédies françaises voulant dénoncer le racisme: "On ne peut pas rire avec lui. On a travaillé le personnage de cette manière. Les films où on rit avec ce genre de personnages ont été écrit par des gens racistes."
"Ce personnage est non seulement raciste, il est antisémite sans le savoir, il dit des choses condescendantes à sa femme, il est dans un délire de conspirationnisme total. On ne peut pas rire avec lui", insiste encore la réalisatrice. D'autant que ce personnage est bien réel et bien ancré dans le paysage français.
"Un peu d'espoir"
Au moment des élections européennes et législatives, "les loups sont sortis de leur tanière", déplore-t-elle. "On a vu des visages qui n'auraient pas osé le dire (avant). Ce n'était pas prévu comme ça, même si on savait tout cela depuis des années. C'est terrifiant. Ces mots résonnent d'une façon différente à cause de ces derniers mois."
"Si au bout d'un moment, il y a une telle haine de l'étranger, l'étranger va aussi se rebeller. C'est ce qui se passe dans le film. La haine nourrit la haine. On en est là maintenant", prévient cependant Julie Delpy.
Mais pour la réalisatrice et actrice, Les Barbares "n'est "pas censé être traumatisant" pour le public français. "Le film est censé faire du bien. C'est un film thérapeutique. C'est un 'feel good movie'. Je voulais faire un film avec un peu d'espoir. On en a besoin de ça aussi."