Barack Obama parle droits de l'homme au Vietnam

Le président américain, Barack Obama, en visite au Vietnam, ici à Ho Chi Minh, a déploré mardi la faiblesse des réformes vietnamiennes en matière de libertés politiques alors que plusieurs personnalités critiques du régime de Hanoï étaient tenues à l'écart de sa visite. /Photo prise le 24 mai 2016/REUTERS/Carlos Barria

par Matt Spetalnick et Martin Petty HANOÏ (Reuters) - Le président américain, Barack Obama, a déploré mardi la faiblesse des réformes vietnamiennes en matière de libertés politiques alors que plusieurs personnalités critiques du régime de Hanoï étaient tenues à l'écart de sa visite, une note discordante dans un voyage dominé par les marques de réchauffement entre les deux pays. Lundi, Barack Obama a levé lundi l'embargo sur la vente d'armes létales au Vietnam, mettant fin au dernier obstacle important entre Washington et Hanoï que les tensions avec la Chine au sujet de la souveraineté en mer de Chine poussent à se rapprocher. Sa décision a toutefois été critiquée, certains observateurs jugeant que le locataire de la Maison blanche se privait d'un argument de poids dans la défense des droits de l'homme au Vietnam en favorisant les intérêts communs avec Hanoï face à la Chine. Depuis plusieurs années, Washington avait posé comme condition à la levée de l'embargo l'adoption de mesures concrètes pour garantir la liberté d'expression, de culte et d'association ainsi que la libération de prisonniers politiques. Un intellectuel vietnamien de premier plan, Nguyen Quang A, a déclaré à Reuters qu'une dizaine de policiers étaient venus l'interpeller à son domicile à 06h30 du matin et l'avaient retenu hors de la capitale jusqu'à ce que le président américain soit sur le point de quitter celle-ci. Nguyen Quang A fait partie de la centaine de Vietnamiens qui ont tenté, pour la plupart en vain, de défendre des candidatures indépendantes lors des élections législatives du week-end dernier, étroitement encadrées par le Parti communiste. Le ministère vietnamien des Affaires étrangères, interrogé sur son cas, n'a pas répondu dans l'immédiat. Un avocat a quant à lui dit avoir été empêché de participer à une rencontre entre Obama et six représentants de la société civile. Dans un discours prononcé après cette rencontre, Barack Obama a noté que plusieurs militants des droits de l'homme avaient été tenus à l'écart de sa visite, y voyant le signe qu'en dépit de "modestes" réformes, "il y a encore des gens qui ont beaucoup de mal à se rassembler et à s'organiser pacifiquement sur des sujets auxquels ils tiennent beaucoup". "Il y a encore des sujets de préoccupation particulière en termes de liberté d'expression, de liberté de réunion, de mise en cause de questions relevant du gouvernement", a-t-il ajouté, avant d'assurer que le respect des droits de l'homme ne constituait pas une menace pour la stabilité d'un pays. "LES GRANDES NATIONS NE DOIVENT PAS INTIMIDER LES PETITES" Avant de s'exprimer sur les droits de l'homme au Vietnam, Barack Obama avait souligné l'importance de la liberté de navigation en mer de Chine méridionale, où Pékin a installé des pistes d'atterrissage et des installations portuaires sur des îlots jusqu'alors inhabités. "Les grandes nations ne doivent pas intimider les petites. Les différends doivent être réglés pacifiquement", a-t-il dit, sans citer la Chine, qui revendique la souveraineté sur 80% de la mer de Chine méridionale. A Pékin, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Hua Chunying a déclaré que les pays extérieurs à la région devaient respecter les efforts entrepris pour préserver la paix et la sécurité. "La question clé est de savoir si la partie concernée est sincère et déterminée à résoudre les différends par le biais d'efforts conjoints, de négociations et de consultations", a-t-elle poursuivi. Le journal anglophone chinois Global Times, détenu par le Quotidien du Peuple, l'organe du Parti communiste, a critiqué la décision d'Obama de lever l'embargo sur les armes et déploré l'empressement des Etats-Unis à assouplir des exigences sur les droits de l'homme. La Maison blanche "profite du Vietnam pour semer le trouble en mer de Chine du Sud", écrit le journal. Après Hanoï, Barack Obama s'est rendu à Hô-Chi-Minh-Ville, l'ex-Saïgon où l'entrée des chars nord-vietnamiens en avril 1975 avait marqué la défaite du Sud soutenu par l'armée américaine. Des dizaines de milliers de personnes s'étaient massées le long de la route menant de l'aéroport au centre-ville. Le président américain devait prononcer un discours sur les relations entre les deux pays depuis leur normalisation en 1995 et défendre le Partenariat transpacifique (TPP). L'accord qui doit inclure 12 pays, pour une valeur totale de 28.000 milliards de dollars (25.000 milliards d'euros), devrait bénéficier de manière considérable à l'économie vietnamienne, très dépendante des exportations et du secteur manufacturier. L'année dernière, le commerce entre les Etats-Unis et le Vietnam a atteint 45 milliards de dollars, contre 450 millions en 1995, à mesure que les télévisions, smartphones et vêtements fabriqués au Vietnam arrivaient sur le marché américain. Le TPP fait l'objet de nombreuses contestations, notamment aux Etats-Unis, mais Barack Obama s'est dit convaincu que l'accord serait entériné par les législateurs. (avec My Pham, Ho Binh Minh et Mai Nguyen à Hanoï, John Ruwitch à Shanghai; Julie Carriat pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse et Marc Angrand)