Baptême du feu politique amer pour Edouard Martin

La conversion politique d'Edouard Martin, leader emblématique du combat syndical à l'usine ArcelorMittal de Florange, suscite l'amertume de ses anciens camarades ouvriers et les critiques acerbes de ses futurs adversaires aux européennes. /Photo prise le 23 janvier 2013/ REUTERS/Christian Hartmann

PARIS (Reuters) - La conversion à la politique d'Edouard Martin, leader emblématique du combat syndical à l'usine ArcelorMittal de Florange, suscite l'amertume de ses anciens camarades et les critiques acerbes de ses futurs adversaires aux européennes. Le délégué CFDT a annoncé mardi qu'il serait tête de liste aux élections européennes de mai 2014 dans le Grand-Est, aux dépens de l'eurodéputée socialiste Catherine Trautmann, reléguée en deuxième place sur la liste PS. Dans Le Monde publié mercredi, celui qui avait qualifié le Premier ministre Jean-Marc Ayrault de "traître" après l'extinction des hauts-fourneaux de Florange (Moselle), affirme qu'il n'adhérera pas au PS, même s'il siègera dans le rangs du groupe socialiste au Parlement européen. "Je ne renie rien de ce que j'ai fait ou dit", déclare-t-il. "Après, je ne vais pas passer ma vie à ruminer et à dire que ces gens-là sont des salauds. Je regarde vers l'avenir." Il ajoute n'être "pas dupe" de la caution qu'il peut apporter au Parti socialiste mais précise avoir obtenu des garanties pour garder une "entière liberté d'expression et d'action" afin de se battre à Strasbourg pour une politique industrielle et sociale européenne. "Edouard Martin, c'est avant tout un ouvrier qui s'est battu pour son usine et pour ses camarades", a dit la ministre de la Culture Aurélie Filippetti à la sortie du conseil des ministres. "C'est un formidable représentant de ce peuple qu'on a envie de voir revenir vers la gauche et c'est pour ça que c'est la meilleure décision que le PS pouvait prendre", a ajouté l'ancienne députée de la Moselle, même si cette nomination provoque des remous dans la fédération socialiste locale. MARTIN EST-IL ALLÉ "À LA SOUPE" ? Mais l'ancienne ministre Nadine Morano, pressentie pour diriger la liste UMP dans le Grand-Est, a dénoncé "la récompense" accordée selon elle à un syndicaliste "qui menait un combat personnel et surtout un combat politique". "L'heure de la récompense a sonné mais aussi d'assumer la politique du gouvernement qui l'a trahi", a-t-elle déclaré sur Twitter. Le vice-président du Front national, Florian Philippot, tête de liste dans le Grand-Est, a estimé mercredi sur i>Télé que le syndicaliste était "allé à la soupe". "Edouard Martin, c'est la trahison à Florange", a-t-il dit. Un jugement qui fait écho aux réactions désabusées des anciens compagnons de lutte du syndicaliste. "Il va se retrouver demain au milieu des loups qu'il nous a encouragés à combattre hier. Nous, on est très dubitatifs aujourd'hui sur la sincérité de sa démarche", a déclaré sur i>Télé Frédéric Weber, délégué Force ouvrière (FO) à l'usine de Florange. "Il a toujours dit, 'le but, c'est de pouvoir se regarder le matin dans le miroir'. Je pense qu'il a dû les démonter de chez lui les miroirs, parce que je peux vous dire qu'aujourd'hui, ce n'est plus du tout l'homme qui était un frère d'armes hier", a-t-il poursuivi. REMOUS À LA FÉDÉRATION SOCIALISTE LOCALE Frédéric Weber craint que le combat pour Florange en soit décrédibilisé : "Les gens auront toujours le doute de savoir si ça a été fait pour des buts de carrière personnelle ou si on a même été manipulés à un moment dans ce combat". Walter Broccoli, responsable FO, se sent "trahi". "Je pense qu'il sera beaucoup mieux comme politicien que comme syndicaliste. Maintenant, on sait à qui on a à faire", a-t-il dit sur BFM TV. "Qui ai-je trahi?", demande Edouard Martin dans Le Monde, rappelant son long combat. "Je n'ai aucune leçon à recevoir." Seul bémol syndicaliste, la fédération CFDT Métallurgie a estimé dans un communiqué que ce "choix personnel" est aussi "un signe de vitalité de la démocratie que nous saluons : l'ouverture à la société civile à travers un citoyen issue de l'immigration et d'un milieu populaire, doté d'une expérience syndicale, notamment européenne et favorable à l'Europe". L'officialisation du choix d'Edouard Martin en lieu et place de l'Alsacienne Catherine Trautmann, qui avait été désignée par un vote à 89% des militants, a déplu au premier secrétaire de la fédération du Bas-Rhin. "Comme de nombreux militant(e)s, je reste estomaqué par le dédain et le mépris dont fait preuve la direction nationale de notre parti", a déclaré Mathieu Cahn, dans un communiqué. Catherine Trautmann disait craindre elle-même, dans un entretien accordé à Reuters il y a quelques jours, que son remplacement en tête de la liste soit perçu par les électeurs comme une "rétrogradation". Sophie Louet, avec Jean-Baptiste Vey et Julien Ponthus, édité par Yves Clarisse