Bangladesh: le palais de la Première ministre pris d'assaut, l'armée forme un gouvernement provisoire après sa démission

Une Première ministre en fuite et un palais pris d'assaut. La cheffe du gouvernement bangladaise Sheikh Hasina a démissionné ce lundi, a annoncé le chef de l'armée dans un discours télévisé. Ce dernier a également annoncé qu'il allait "former un gouvernement provisoire".

Ces annonces interviennent après que des milliers de manifestants antigouvernementaux ont pris d'assaut le palais de la Première ministre, selon des images diffusées par Channel 24.

"Plus de 1.500 personnes à l'intérieur"

Sheikh Hasina avait auparavant quitté la ville par hélicoptère, selon une source proche de la dirigeante de 76 ans. "Elle voulait enregistrer un discours. Mais elle n'a pas pu avoir l'occasion de le faire", a précisé celle-ci.

Sur les images de télévision, on peut notamment voir des émeutiers s'emparant de chaises, renversant des meubles ou brisant des portes vitrées du palais. "Je suis à l'intérieur du palais Ganabhaban", la résidence officielle du chef du gouvernement bangladais, a déclaré à l'AFP le journaliste Yeasir Arafat. "Il y a plus de 1.500 personnes à l'intérieur du palais. Ils cassent les meubles et les verres", a-t-il ajouté.

Fille aînée de Sheikh Mujibur Rahman, le père fondateur du Bangladesh qui a pris son indépendance du Pakistan en 1971, Sheikh Hasina est au pouvoir depuis 2009, après un premier mandat entre 1996 et 2001.

Lundi, des centaines de milliers de manifestants antigouvernementaux défilaient dans les rues de la capitale au lendemain d'une journée sanglante au cours de laquelle des affrontements ont fait au moins 94 morts à travers le pays.

D'après des témoins, de larges foules marchaient dans les rues de Dacca et ont abattu des barrages. Le quotidien indien Business Standard estime que quelque 400.000 protestataires manifestaient ainsi ce lundi, un nombre que l'AFP n'a pas été en mesure de vérifier.

Au moins 300 morts depuis le début des manifestations

Au moins 300 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations en juillet, selon un bilan de l'AFP à partir de données de la police, de responsables et de sources hospitalières.

Dans le pays, un couvre-feu est entré en vigueur dimanche soir. Les 3.500 usines ont fermé au Bangladesh où l'industrie de l'habillement a été le principal moteur de l'impressionnante croissance économique. L'accès à internet est coupé de manière généralisée lundi, d'après des fournisseurs et des organismes de surveillance.

Dimanche, de nouveaux heurts entre opposants à Sheikh Hasina, forces de l'ordre et partisans du parti au pouvoir avaient fait au moins 94 morts dans tout le pays. C'était le bilan le plus lourd en une seule journée depuis le début des manifestations antigouvernementales il y a un mois dans ce pays musulman de 170 millions d'habitants où les étudiants contestent, sur fond de chômage aigu des diplômés, les faveurs dont bénéficient les proches du pouvoir pour devenir fonctionnaires.

Dacca, "un champ de bataille"

Tout Dacca s'est transformé "en champ de bataille" et une foule de plusieurs milliers de manifestants a mis le feu à des voitures et des motos près d'un hôpital, selon une autre source policière.

"La violence choquante au Bangladesh doit cesser", a exhorté dimanche soir le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk.

Ces affrontements comptent parmi les plus meurtriers depuis l'arrivée au pouvoir de Sheikh Hasina. Pour rétablir l'ordre, son gouvernement a notamment fermé écoles et universités et déployé l'armée. D'anciens officiers militaires ont depuis apporté leur soutien aux contestataires.

Dans une prise de position hautement symbolique contre la Première ministre, un ancien chef de l'armée, le général Ikbal Karim Bhuiyan, et plusieurs autres ex-officiers supérieurs ont appelé au retrait des troupes de la rue, en soulignant que les gens n'avaient "plus peur de sacrifier leur vie". Dans plusieurs cas, des soldats et des policiers ne sont d'ailleurs pas intervenus contre les protestataires, contrairement au mois dernier.

Article original publié sur BFMTV.com