"Balance ton stage": des étudiants s’élèvent contre le sexisme en entreprise

Campagne sur les réseaux sociaux, manuel pédagogique, formations… Camille, Agathe et Simon ont décidé d’agir face au sexisme subi par les stagiaires dans les entreprises.

"Avec ces longues jambes, tu peux poser toutes les questions que tu veux." "Alors, qui va bien pouvoir te sauter ce soir?" Ce genre de phrases, esquisses d’expériences professionnelles désastreuses, inondent la page Instagram Balance ton stage. Créé le 26 juillet par trois étudiants de l’école de commerce EM Lyon - Agathe, Camille et Simon -, ce profil a vocation à mettre en lumière le sexisme et les abus de pouvoir subis durant les stages en entreprise.

Sexisme ordinaire

Les deux jeunes femmes en ont elles-mêmes fait l'amère expérience lors d’un stage aux États-Unis dans la même boîte. "C'était une petite structure, la frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle était très floue, ce qui, d’une certaine manière, encourageait les remarques sexistes", explique Agathe, contactée par BFMTV.com.

"Par exemple, des clients lançaient à notre maître de stage 'tu es bien entouré', ils se permettaient aussi des réflexions comme 'il faut être mignonne pour réussir dans un milieu rempli d'hommes'", énumère-t-elle d'un ton las.

Pour Camille, l'expérience a été "très dure", nous raconte-t-elle. Au début, les jeunes femmes n'ont pas réagi, pas vraiment conscientes de ces réflexions pernicieuses. "Je m’en voulais d'avoir perverti mes principes féministes en taisant ce qui s'était passé", témoigne Camille qui a rapidement repris les choses en main, avec Agathe, en créant un sondage diffusé sur les réseaux sociaux afin de mesurer l'ampleur du phénomène dans leur école, l'EM Lyon.

Susciter une prise de conscience

Le résultat est sans appel: sur les 170 répondants, 23% disent avoir été victimes de sexisme (allant de l'outrage sexiste à l’agression sexuelle) durant leur stage de première année, 43% en ont été témoins. Aucune victime n'a porté plainte et seulement 5% en ont référé à la direction de leur établissement.

Après ce questionnaire, les jeunes femmes ont approfondi leur enquête en réalisant des entretiens avec une vingtaine de victimes pour recueillir leurs témoignages. "Si tu continues, je vais t'en mettre une", "il s'est mis à quattre pattes devant moi et a essuyé ses lunettes avec ma jupe", relatent les créateurs de Balance ton stage.

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"On a voulu faire quelque chose de ces infos: les exposer d’une part (avec la page Instagram, NDLR) pour une prise de conscience, et les décrypter d’autres part pour en faire un manuel", précise Camille.

"Merci de nous aider à libérer nos hontes"

C'est alors que les deux étudiantes sont rejointes par Simon qui prend part à Balance ton stage. A la création du profil sur Instagram, "on recevait un ou deux témoignages par jour. Ça a continué à augmenter pour atteindre une dizaine par jour. Mais depuis ce samedi matin, on a déjà reçu plus d’une quinzaine de messages!" salue Agathe, fière de l'engouement suscité par l'initiative. Sur Twitter aussi, leur initiative se répand. #BalanceTonStage a été repris plus de 4000 fois ce samedi, à 13 heures.

"Ça montre qu’on répond à une vraie problématique. Un jour, on a reçu un message qui nous disait 'merci de nous aider à libérer nos hontes'."

A trois, ils rédigent aussi Le petit manuel du sexisme en entreprise

Selon une enquête réalisée en 2013 et 2016 par le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, 80% des femmes cadres et 74% des femmes non cadres salariées considèrent que, dans le monde du travail, les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou comportements sexistes. Les trois étudiants comptent poursuivre leur combat pour faire plier ces statistiques.

"La vie ne s’arrête pas si on quitte un stage"

En janvier 2021, ils envisagent de lancer une formation afin de préparer les étudiants avant leur premier stage en janvier 2021.

"Notre ambition est aussi de sanctionner les mauvais comportements en entreprise", ajoute Agathe. "On voudrait amorcer un changement structurel. Par exemple, avant le début du stage, il faudrait que l’entreprise puisse cocher une case sur la convention où elle s’engage à ce que l’étudiant ne soit pas victime de sexisme. A la fin du stage, il faut qu’il y ait une évaluation faite par l’étudiant et que l’école lui demande s’il a bien effectué les tâches prévues, s’il n’a pas été victime de discriminations", développe-t-elle.

L’idée est de sortir le stagiaire de ce rapport de force au sein de l’entreprise qui le dissuade souvent de rapporter les dérives. Et Agathe de conclure: "La vie ne s’arrête pas si on quitte un stage."

Article original publié sur BFMTV.com

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