Les bactéries résistantes aux antibiotiques pourraient causer 39 millions de décès d'ici 2050

Les bactéries résistantes aux antibiotiques pourraient causer 39 millions de décès d'ici 2050

Plus de 39 millions de personnes dans le monde pourraient mourir d'infections résistantes aux antibiotiques au cours des 25 prochaines années, et 130 millions d'autres pourraient mourir de causes connexes, selon une nouvelle étude publiée en amont d'un sommet qui réunira les dirigeants internationaux à New York pour s'engager face à cette menace majeure en termes de santé publique.

La résistance aux antimicrobiens (RAM) - lorsque des bactéries ou d'autres agents pathogènes évoluent au point que les antibiotiques ne sont plus efficaces contre eux - se produit en raison d'une consommation excessive d'antibiotiques dans le champ médical, mais aussi dans ceux de l'élevage et de l'agriculture.

Selon une nouvelle étude publiée dans la revue The Lancet, ces "superbactéries" rendent les infections plus difficiles à traiter, et ont directement causé la mort de près d'un million de personnes par an depuis 1990.

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Les risques liés à la résistance aux antimicrobiens sont en augmentation. D'ici à 2050, il pourrait y avoir 1,91 million de décès directement dus à la RAM, selon les nouvelles estimations du projet Global Research on Antimicrobial Resistance (GRAM).

"Il s'agit d'une pandémie très silencieuse qui ne cesse de s'étendre. Notre attention doit se focaliser là-dessus", a déclaré Ahmed Ogwell, vice-président de la stratégie mondiale en matière de santé à la Fondation des Nations unies et ancien directeur général par intérim des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC).

Des décès en hausse chez les plus de 70 ans

Pour cette nouvelle étude, les chercheurs ont constaté qu'entre 1990 et 2021, les décès liés à la RAM avaient diminué d'environ 60 % chez les enfants de moins de 5 ans, mais qu'ils avaient augmenté de plus de 80 % chez les adultes de 70 ans et plus.

Cela s'explique par le fait que les programmes de vaccination et d'autres mesures de prévention des infections ont protégé les enfants, et que le vieillissement de la population de nombreux pays a rendu les personnes âgées vulnérables.

L'analyse montre que les personnes âgées continueront d'être les principales victimes de l'augmentation du nombre de décès dans les années à venir. Mais elles sont loin d'être les seules à courir un tel risque.

"Quel que soit l'endroit où les gens vivent, ils auront besoin d'antibiotiques s'ils subissent des interventions, des chimiothérapies, s'ils sont hospitalisés, car tout le monde est exposé à un risque d'infection bactérienne", a déclaré à Euronews Health Ramanan Laxminarayan, qui dirige l'institut de recherche One Health Trust.

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"Les antibiotiques ne fonctionnent plus de manière fiable en raison de la résistance aux médicaments", a-t-il ajouté. "Il y a vingt ans, la probabilité pour que cela se produise était de l'ordre d'une chance sur 100, voire moins. Aujourd'hui, cette probabilité est de une sur trois [ou] une sur quatre, ce qui rend tous les autres aspects de la médecine moderne beaucoup plus risqués".

Les populations d'Asie du Sud, dont l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh, ainsi que d'autres régions d'Asie du Sud et de l'Est, d'Afrique subsaharienne, d'Amérique latine et des Caraïbes, devraient également être durement touchées.

Selon M. Laxminarayan, qui a apporté sa contribution à une série de publications du Lancet sur la résistance aux antimicrobiens au début de l'année, les pays à revenu faible et intermédiaire sont confrontés à un double défi, étant donné que de nombreux patients n'ont pas accès aux antibiotiques en première intention.

"La résistance aux médicaments n'est pas leur principal problème [dans les régions à faible accès aux antibiotiques] - leur principal problème, ce sont les infections bactériennes en elles-mêmes", a déclaré M. Laxminarayan.

Malgré les disparités, aucune région n'est à l'abri des risques. Selon l'étude, le nombre annuel de décès imputables à la RAM dans les pays à revenu élevé devrait passer de 125 000 à 192 000, entre 2021 et 2050. Des centaines de milliers d'autres personnes mourront aussi de causes associées.

Des mesures pour lutter contre l'antibiorésistance

L'Assemblée générale des Nations unies se réunira la semaine prochaine pour sa deuxième réunion sur la résistance aux antimicrobiens, la dernière ayant eu lieu en 2016. Les dirigeants mondiaux devraient signer un engagement politique visant à réduire la mortalité humaine due à ce problème.

Mais les négociations ont achoppé ces derniers mois, soulignant l'absence de consensus sur la possibilité de fixer des objectifs spécifiques en matière de résistance aux antimicrobiens.

Par exemple, l'objectif de réduire d'au moins 30 % l'utilisation d'antibiotiques dans le secteur de l'élevage, qui figurait dans un projet antérieur, a été supprimé dans la dernière version, et a été remplacé par une promesse limitée à "s'efforcer de manière significative" de réduire leur utilisation.

"Nous avons eu du fil à retordre sur ce point", a déclaré à Euronews Health le Dr Sally Davies, envoyée spéciale du Royaume-Uni pour la lutte contre la résistance aux antimicrobiens et ancienne médecin en chef de l'Angleterre.

Mme Davies a demandé la création d'un groupe scientifique indépendant sur la résistance aux antimicrobiens, une collecte de données et un financement supplémentaires, une plus grande attention aux risques pour les systèmes alimentaires et l'environnement, ainsi que des mesures incitant les entreprises pharmaceutiques à mettre au point de nouveaux antibiotiques.

À terme, elle souhaiterait que la coopération mondiale en matière de résistance aux antimicrobiens s'apparente au traité international sur le tabac, entré en vigueur en 2005.

Selon l'étude du Lancet, un grand nombre des décès liés à la RAM pourraient être évités grâce à quelques mesures clés telles qu'un meilleur contrôle des infections, une vaccination généralisée, et le développement de nouveaux antibiotiques.

Un meilleur accès aux antibiotiques et une meilleure prise en charge des infections permettraient, par exemple, d'éviter 92 millions de décès entre 2025 et 2050. Si des médicaments sont mis au point pour cibler les bactéries à Gram négatif, qui sont parmi les plus résistantes aux antibiotiques, 11,1 millions de décès pourraient être évités.

"Il suffit que chaque secteur fasse ce qu'il a à faire", a déclaré M. Davies.

Des efforts pour réduire la dépendance aux antibiotiques

Certains pays et certaines industries ont déjà pris des mesures pour réduire leur dépendance aux antimicrobiens. Les piscicultures norvégiennes, par exemple, ont commencé à utiliser des vaccins à la fin des années 1980, ce qui a entraîné une forte baisse de l'utilisation des antibactériens.

Malgré ces progrès, les leçons tirées d'autres crises sanitaires mondiales, telles que la pandémie de COVID-19 et l'épidémie de VIH, suggèrent que les pays à revenu élevé pourraient mettre du temps à maîtriser ce problème, qui a un impact disproportionné sur les pays à revenu faible ou moyen.

"Nous devons tenir compte dans notre réponse du fait que la situation ne va pas changer rapidement", a déclaré M. Ogwell, "ce qui signifie que la planification des pays à revenu faible et moyen doit tenir compte de cette situation et qu'ils doivent mettre en place des politiques qui leur permettent de travailler plus facilement ensemble".