Licenciement confirmé pour l'employée voilée de Baby Loup

La Cour de cassation a confirmé mercredi le licenciement de Fatima Afif, congédiée en 2008 pour faute grave après avoir refusé de retirer son voile islamique dans la crèche privée Baby Loup. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau

PARIS (Reuters) - La Cour de cassation a confirmé mercredi le licenciement de Fatima Afif, congédiée en 2008 pour faute grave après avoir refusé de retirer son voile islamique dans la crèche privée Baby Loup, une affaire qui suscite depuis plus de cinq ans de vifs débats sur l'application de la laïcité. La plus haute juridiction française, réunie en assemblée plénière, a ainsi suivi l'avis du procureur général et mis un terme à un long feuilleton judiciaire qui opposait les tenants d'une laïcité stricte et ceux d'une plus grande liberté religieuse. Les juges de la Cour ont estimé que le règlement intérieur de la crèche, qui impose la neutralité, était suffisamment "précis" pour justifier une restriction de la liberté religieuse de ses salariés, légitimée par leur mission. Tous les employés de cette petite structure sont en effet amenés à être en relation directe avec les enfants et leurs parents. Ils ont en revanche rejeté l'idée selon laquelle Baby Loup, qui se considère comme un "refuge" pour les mères d'un quartier difficile, "hors de toute pression communautaire", pouvait prétendre à la qualification "d'entreprise de conviction laïque", ce que demandaient ses avocats. Patrice Spinosi, conseil de Baby Loup, a salué une "très belle décision" qui consacre selon lui le droit, pour une entreprise privée, de limiter la liberté religieuse de ses employés si ces restrictions sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. "Ce n'est pas un blanc-seing donné à n'importe quel employeur, c'est une décision très mesurée", a-t-il dit à Reuters. Lors de l'audience, le 16 juin, il avait mis en garde contre le risque de voir l'association, financée à 95% par des subventions, déposer le bilan dès juillet si elle n'obtenait pas satisfaction. "Il n'y a plus aucune raison que ces subventions ne soient pas reconduites", a-t-il estimé mercredi. RECOURS DEVANT LA COUR EUROPÉENNE? L'avocate de Fatima Afif, Claire Waquet, s'est quant à elle déclarée "très déçue". "C'est un arrêt d'espèce qui ne donne aucune solution", a-t-elle dit à Reuters. Sa cliente a six mois pour porter cette affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme si elle le souhaite. Un tel recours est "envisagé", mais aucune décision n'a été prise à ce stade, a indiqué Me Claire Waquet. C'est la cinquième fois que la justice française se prononce sur ce dossier controversé. Fait rare, c'est aussi la seconde fois que la plus haute juridiction statue, à la suite d'un arrêt dit "de rébellion" pris en novembre dernier par la cour d'appel de Paris. Le 19 mars 2013, la Cour avait en effet suscité un vif émoi chez les défenseurs de la laïcité en annulant le licenciement de Fatima Afif. Signe de la sensibilité du dossier, Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, avait commenté, contrairement à l'usage, cette décision de justice, disant y voir une "mise en cause de la laïcité". Les responsables de la crèche ont, eux, déménagé courant 2014 pour fuir les pressions exercées par des habitants et familles défendant le port du voile. La France a banni en 2004 de toutes les écoles publiques les "signes religieux ostentatoires". Une autre loi entrée en vigueur en avril 2011 interdit le port dans l'espace public du voile intégral ou "burqa", sous peine d'une amende de 150 euros. Dans le sillage de cette affaire, le gouvernement avait envisagé de légiférer mais l'Observatoire de la laïcité l'a mis en garde contre une loi sur le voile dans l'entreprise privée. (Chine Labbé, édité par Yves Clarisse)