En Autriche, l'extrême droite favorite de législatives incertaines

Herbert Kickl, président et candidat du Parti autrichien de la liberté (FPÖ, lors d'un meeting électoral à Vienne, le 27 septembre 2024 (Joe Klamar)
Herbert Kickl, président et candidat du Parti autrichien de la liberté (FPÖ, lors d'un meeting électoral à Vienne, le 27 septembre 2024 (Joe Klamar)

Jamais l'issue d'une élection n'aura été aussi indécise en Autriche. L'extrême droite pourrait pour la première fois dimanche prochain remporter des élections législatives sur fond d'avancée des partis radicaux en Europe.

Mais même si les plus de 6,3 millions d'électeurs sur neuf millions d'habitants la placent en tête, son controversé chef Herbert Kickl est loin d'être assuré d'accéder à la chancellerie.

Pourquoi le FPÖ fait-il la course en tête?

Au plus bas il y a cinq ans après le scandale de corruption de l'Ibizagate, le Parti autrichien de la Liberté (FPÖ) a opéré une remontée spectaculaire.

Fustigeant tous azimuts l'immigration, les mesures anti-Covid, les politiques climatiques ou encore les sanctions contre la Russie au nom de la neutralité autrichienne, son discours fait mouche.

"Ce qui est particulièrement important, c'est qu'on prenne de nouveau soin de nous, les Autrichiens!", lançait ainsi Anna Kollenc, monitrice de sport de 36 ans, lors du premier meeting de campagne de M. Kickl à Graz.

Les sondages donnent le FPÖ à 27%, contre 25% pour les conservateurs de l'ÖVP qui tombent de haut. Au pouvoir depuis 1987 dans ce pays prospère d'Europe centrale, ils avaient décroché 37% des voix en 2019, emmenés par le jeune Sebastian Kurz.

Les sociaux-démocrates (20%) et les Verts (8%), affaiblis par leur passage au gouvernement avec l'ÖVP, sont loin derrière.

M. Kickl a réussi à "élargir le spectre des sujets" au-delà du leitmotiv central de l'immigration et "à séduire de nombreux électeurs frustrés par la politique actuelle", explique à l'AFP le politologue Thomas Hofer. Son slogan: "oser la nouveauté".

Sa communication tranchée, "tout noir ou tout blanc, a séduit" à une période de forte polarisation de la société, dans un contexte de pandémie, de vie chère et de bouleversements géopolitiques.

Bien que le FPÖ ait déjà goûté au pouvoir à trois reprises en Autriche, une première place le soir du vote constituerait "un séisme" pour le pays alpin, estime l'analyste.

Peut-il accéder à la chancellerie?

Pour autant, Herbert Kickl ne deviendra pas forcément chancelier. "La probabilité d'une victoire est bien plus élevée que celle de le voir accéder au poste de chef du gouvernement", poursuit-il.

Car dans ce système parlementaire rompu aux longues tractations, l'ÖVP "n'acceptera pas d'être le partenaire minoritaire" et préfèrera s'associer avec les sociaux-démocrates et les libéraux de Neos, pronostique M. Hofer, un format à trois qui serait inédit.

Le chancelier conservateur Karl Nehammer, 51 ans, a répété à de nombreuses reprises son refus de s'allier à un dirigeant aussi radical que M. Kickl et le président écologiste Alexander Van der Bellen a fait savoir qu'il ne l'inviterait peut-être pas à former un gouvernement.

Un sort qui pourrait au final ne pas déplaire au leader de l'extrême droite.

"Ne vous y trompez pas", observe le politologue, "il pourrait s'accommoder d'une telle situation qui lui permettrait de cultiver son message anti-élite" et de semer le désordre, au moment où l'Autriche traverse une mauvaise passe économique.

L'Autriche, reflet d'une tendance de fond en Europe?

Au fil des mois, M. Nehammer a durci son discours sur l'immigration pour tenter de rattraper son retard. "Les gouvernements européens sont actuellement sur la défensive et l'Autriche ne fait pas exception", note Thomas Hofer.

Au terme d'une campagne "difficile" et plutôt terne, l'écart avec le FPÖ s'est resserré.

Cet ex-militaire de 51 ans a promis "la stabilité" et mis en scène "sa capacité à gérer des crises", notamment à l'occasion du passage de la meurtrière tempête Boris, qui a suspendu les débats politiques.

Les conservateurs peuvent-ils dans ces conditions créer la surprise?

S'ils font mentir les sondages, ils seraient alors en position de force et pourraient être tentés de bâtir une coalition avec l'extrême droite, au programme économique proche, selon les experts.

La précédente expérience de 2017 à 2019, émaillée de scandales, a certes laissé un goût amer au sein de l'ÖVP mais rien n'est exclu dans un pays qui s'était attiré en 2000 des sanctions de Bruxelles pour l'alliance nouée par l'ÖVP avec le sulfureux Jörg Haider.

Une réaction aujourd'hui impensable dans un contexte de montée des partis ultra-conservateurs dans toute l'Europe, entre Giorgia Meloni en Italie, Robert Fico en Slovaquie, Geert Wilders au Pays-Bas et Marine Le Pen en France.

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