Autriche: Kurz demande des législatives pour sortir de la crise

par Kirsti Knolle et Francois Murphy

VIENNE (Reuters) - Le chancelier autrichien Sebastian Kurz a annoncé samedi soir qu'il souhaitait la tenue d'élections législatives anticipées en Autriche pour couper court au scandale impliquant son vice-chancelier, Heinz-Christian Strache, chef de file de l'extrême droite, soupçonné de tentative de collusion avec la Russie.

La décision de Sebastian Kurz fait suite à la diffusion d'une vidéo dans laquelle Heinz-Christian Strache, leader du Parti de la liberté (FPÖ), apparaît sollicitant un soutien financier secret de sa formation politique par la Russie.

L'enregistrement le montre proposant des contrats publics à une ressortissante russe qui se dit la nièce d'un oligarque en échange d'un soutien politique et financier. La vidéo, diffusée vendredi soir par la presse allemande, aurait été réalisée en 2017, peu avant les élections qui ont permis au FPÖ d'entrer au gouvernement.

"Trop c'est trop", a commenté Sebastian Kurz, chef du gouvernement conservateur, qui a accepté de conclure une alliance avec l'extrême droite il y a un an et demi.

Cette annonce du dirigeant autrichien fait suite à une série de controverses qui avaient opposé les deux formations au pouvoir sans conduire à une dislocation du gouvernement.

Visiblement excédé, Sebastian Kurz a sollicité le président autrichien Alexander Van der Bellen afin qu'il convoque des élections générales anticipées.

Le chef de l'Etat a admis dans la soirée de samedi que cette option politique était nécessaire et s'est entretenu avec le chef du gouvernement. Les deux hommes doivent poursuivre leurs entretiens dimanche.

Ce scandale a conduit à la démission de Heinz-Christian Strache alors les partis d'extrême droite européens se réunissent à Milan autour du ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini à quelques jours des élections européennes.

"J'ai été stupide, irresponsable et c'était une erreur", a reconnu Heinz-Christian Strache, lors d'une conférence de presse, tout en affirmant qu'il n'avait rien fait d'illégal.

"C’était un comportement typiquement macho, alimenté par l’alcool (...) Je voulais impressionner notre charmante hôtesse et me suis comporté comme un adolescente vantard.

"LE FPÖ EST FINI"

La vidéo a été diffusée vendredi par l'hebdomadaire Der Spiegel et le quotidien Süddeutsche Zeitung. Elle montrait une rencontre entre Heinz-Christian Strache, Johan Gudenus, président du groupe FPÖ au Conseil national, la chambre basse du parlement, et une personne qui serait donc la nièce d'un oligarque russe, dans une villa d'Ibiza en juillet 2017, quelques mois avant les élections législatives.

La jeune femme dit vouloir investir plusieurs centaines de millions d'euros en Autriche, selon les deux journaux allemands.

Les deux hommes discutent des opportunités d'investissement pour elle, dont une participation de 50% dans l'influent tabloïd autrichien Kronen Zeitung afin de l'utiliser comme un moyen de porter la parole du parti pendant la campagne électorale.

"Si elle reprend le Kronen Zeitung trois semaines avant l'élection et nous fait terminer à la première place, nous pourrons alors parler de tout", déclare Heinz-Christian Strache, selon Der Spiegel.

Il envisage en outre de lui octroyer des contrats publics dans la construction de routes si elle aide le FPÖ à remporter les élections et souhaite que tout soit fait légalement.

"Le FPÖ est fini", titre samedi le Kronen Zeitung.

Christian Hafenecker, secrétaire général du Parti, a indiqué que les avocats du parti examinaient la vidéo. Les deux journaux n'ont pas dit comment ils l'avaient obtenue.

Ni Heinz-Christian Strache ni le FPÖ n'ont jamais perçu ou octroyé d'avantages aux personnes concernées, a-t-il déclaré.

"Comme la vidéo a été évidemment enregistrée illégalement, nous préparons également les démarches juridiques appropriées", a-t-il ajouté.

Heinz-Christian Strache dirige le FPÖ depuis 2005 et l'a remis sur le devant de la scène aux dernières élections législatives de 2017. Le parti a recueilli 26% des suffrages.

La vidéo est également un casse-tête pour Sebastian Kurz, dont le parti est toujours en tête des sondages, sans pouvoir atteindre la majorité. Seuls Les sociaux-démocrates pourraient lui apporter l'appoint nécessaire pour y parvenir, mais leurs relations avec le jeune chancelier, partisan d'une ligne dure en matière d'immigration, sont tendues.

Le parquet de Vienne s'est saisi de l'affaire et s'il y a matière à ouvrir une enquête, a déclaré une porte-parole du procureur.

(Arthur Connan, Danielle Rouquié et Jean-Philippe Lefief pour le service français)