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Aung San Suu Kyi sort du silence sur l'exode des Rohingyas

La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi s'est exprimée mardi publiquement pour la première fois sur l'exode des Rohingya, minorité musulmane persécutée de Birmanie, pour condamner les abus commis mais sans aborder le fond du problème. /Photo prise le 19 septembre 2017/REUTERS/Soe Zeya Tun

NAYPYITAW (Reuters) - La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi s'est exprimée mardi publiquement pour la première fois sur l'exode des Rohingya, minorité musulmane persécutée de Birmanie, pour condamner les abus commis mais sans aborder le fond du problème. Dans sa première allocution sur cette crise depuis qu'une attaque de rebelles rohingya le 25 août a entraîné des représailles de l'armée qui ont poussé plus de 410.000 musulmans à fuir le pays vers le Bangladesh voisin, elle a dénoncé "toutes les violations des droits de l'homme". Elle a en outre promis que les auteurs d'exactions dans l'Etat d'Arakan (Rakhine) seraient traduits en justice. La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 a assuré ne pas craindre le regard de la communauté internationale, même si elle a renoncé à se rendre à l'Assemblée générale de l'Onu qui se tient cette semaine à New York. Le quasi-mutisme sur cette question d'Aung San Suu Kyi, égérie du mouvement pro-démocratie birman arrivée au pouvoir l'an dernier après un long séjour en résidence surveillée et des décennies de junte militaire, a suscité de vives critiques à l'étranger face à ce que certains dirigeants de pays musulmans ont qualifié de "génocide" et l'Onu de "nettoyage ethnique". La dirigeante birmane n'a pas évoqué ces accusations dans son intervention et n'a pas non plus employé le terme rohingya. Les Rohingya, auxquels le gouvernement birman refuse la citoyenneté, disent avoir été contraints de fuir l'Arakan (ouest) où ils vivent depuis des siècles par la campagne de répression lancée par l'armée après l'attaque de commissariats de police et de bases militaires par un mouvement rebelle sécessionniste d'inspiration islamiste. "POLITIQUE DE L'AUTRUCHE" Dans son discours télévisé, Aung San Suu Kyi a dit vouloir établir les causes de l'exode des Rohingya tout en promettant que des mesures seraient prises contre "tous ceux qui ont violé la loi et violé les droits de l'homme, quelles que soient leur religion, leur race ou leur position de pouvoir politique". "Le Myanmar (Birmanie-NDLR) veut mettre fin aux souffrances de toutes les populations aussi vite que possible", a-t-elle assuré. "Nous sommes désolés des souffrances endurées par les civils pris au piège du conflit." "Nous voulons comprendre pourquoi cet exode se produit", a-t-elle ajouté. Expliquant souhaiter une "solution durable" à ce conflit, Aung San Suu Kyi s'est en outre dite prête à entamer un processus de vérification de l'identité des personnes qui ont trouvé refuge au Bangladesh pour organiser le retour en Birmanie de celles qui le souhaitent. Son allocution n'a pas entièrement convaincu dans les milieux diplomatiques ni auprès des responsables de l'aide humanitaire, même s'ils en ont apprécié le ton. En revanche, pour Amnesty International le gouvernement birman pratique "la politique de l'autruche" en ne voulant pas reconnaître le rôle de l'armée dans les violences contre la communauté rohingya. Les éléments attestant d'un nettoyage ethnique ne manquent pourtant pas, ajoute l'organisation de défense des droits de l'homme. (Antoni Slodkowski, Tangi Salaün et Gilles Trequesser pour le service français)