Audrey Diwan se confie sur « l’enfer » de « Bac Nord », en pleine séparation du réalisateur Cédric Jimenez
La coscénariste du film policier avec Gilles Lellouche, François Civil, Karim Leklou et Adèle Exarchopoulos, ne s’entendait plus avec son partenaire.
En colère. À la sortie du film Bac Nord en 2020, Audrey Diwan est créditée comme scénariste aux côtés de son ex-conjoint, le réalisateur Cédric Jimenez. Quatre ans plus tard, celle qui est également réalisatrice ne digère pas le « glissement de sens » entre son scénario initial et le résultat du film et raconte les difficultés rencontrées pendant l’écriture, alors qu’elle était en pleine séparation avec son compagnon.
Plus d’un mois après la sortie de son deuxième film, Emmanuelle, l’ancienne journaliste s’est confiée dans un long entretien pour la revue Tsounami. Elle y évoque sa nouvelle fonction de réalisatrice, mais surtout sa précédente carrière de scénariste entamée à la télévision, puis dans les films de son compagnon de l’époque, Cédric Jimenez. À ce sujet, elle déclare avoir été « très en colère » en voyant Bac Nord.
Audrey Diwan révèle ne pas avoir voulu écrire ce film au départ, puisqu’elle travaillait sur L’Événement (2021), Lion d’or à la 78e Mostra de Venise. Mais le réalisateur n’a pas tardé à lui demander de l’aide sur le scénario. Après « une grande discussion à propos de ce que représente la police dans notre société », elle confie être mal à l’aise avec ce sujet.
Après mûres réflexions, et la lecture de La fabrique du monstre de Cédric Pujol, la scénariste décide alors de proposer un nouvel angle : « essayer de comprendre comment ceux qu’on désigne comme étant “les meilleurs flics de France” sont devenus anti police », présente-t-elle à Cédric Jimenez, qui accepte l’idée.
Le couple écrit alors le film ensemble, mais leurs problèmes personnels viennent perturber la rédaction du scénario. « On écrit le film ensemble, ça se passe très mal parce qu’en tant que couple, on n’est plus d’accord sur grand-chose et on se sépare pendant l’écriture », révèle Audrey Diwan. « Je termine la première version, je crois qu’on me demande quand même d’aller jusqu’à la version suivante, mais on est en pleine séparation. C’est l’enfer », conclut-elle.
Elle décide de ne pas aller au bout de l’écriture, malgré le contrat. « Là, on n’arrivait plus à travailler ensemble, ce n’était dans l’intérêt de personne de nous forcer à finir le travail tous les deux », concède-t-elle. La scénariste pense alors avoir donné « une carte routière assez précise » sur la direction du film, mais elle s’aperçoit, à distance, que le scénario évolue et qu’il se concentre sur « une forme d’efficacité, de logique de l’action ».
Une scène réécrite pour faire un « raccourci »
À sa sortie, le film a déclenché de nombreuses polémiques sur sa représentation des habitants du quartier et son orientation politique. Fiachra Gibbons, journaliste irlandais pour l’AFP, avait notamment estimé que le film pouvait inciter à voter Marine Le Pen, en pleine campagne pour la présidentielle. « Le journaliste reproche au réalisateur de faire des habitants de la cité des “sauvages”, – il me semble que c’est son terme. En tout cas, il reproche, à raison, un amalgame terrible entre les narco trafiquants et les habitants des cités », explique la scénariste.
Pour illustrer la différence avec son scénario de base, elle revient sur une scène en particulier, celle où un adolescent casse une voiture avant de se faire emporter par les policiers, qu’il insulte avant de chanter avec eux.
Audrey Diwan explique avoir écrit la scène d’origine d’après une anecdote d’une habitante du quartier qui appelait parfois la BAC pour éviter que les enfants tombent entre les mains des narcotrafiquants. « Donc l’équipe de la BAC Nord était missionnée pour récupérer un jeune garçon qui traîne dans une salle polyvalente, avec des narco effectivement, mais ce gamin est juste en train de jouer au baby-foot ! [...] Et c’est pour ça qu’il les insulte dans la voiture ! »
La scénariste regrette amèrement ce changement, où la « réécriture cède au raccourci et à la logique de l’action au détriment du sens ». Elle donne à Tsounami un second exemple où on peut penser que les habitants sont « du côté des narcos ».
« Ça me rend malade » s’attriste-t-elle, regrettant que le film ait empiété sur la promotion de son premier long-métrage, L’Événement. « Maintenant le temps a passé, donc j’estime que j’ai le droit de dire cette vérité », assume la scénariste qui se dit « en désaccord total » avec le rendu final. Le film aura en tout cas permis à la réalisatrice de « réfléchir à la place du scénariste et sa responsabilité ou son adéquation avec le film définitif ».
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