Au procès de l'ex-patron des stups, François Molins attaque ses méthodes

François Thierry, ancien directeur de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), arrive au tribunal de Lyon, le 23 septembre 2024 (JEFF PACHOUD)
François Thierry, ancien directeur de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), arrive au tribunal de Lyon, le 23 septembre 2024 (JEFF PACHOUD)

"Des infos déloyales", une gestion problématique des "indic" : l'ancien procureur de Paris, François Molins, a vivement critiqué mardi les méthodes de l'office des stups sous la direction du commissaire François Thierry, qui a défendu son bilan au deuxième jour de son procès à Lyon.

Le haut magistrat, entendu comme témoin, et l'ancien superflic se sont affrontés indirectement à la barre de la cour criminelle du Rhône, qui décortique cette semaine le placement en garde à vue, en 2012, d'un gros trafiquant de cannabis, Sophiane Hambli.

La procédure était fictive et visait à sortir de prison cet "indic" de François Thierry afin qu'il puisse passer des appels depuis un hôtel et renseigner les policiers sur une livraison de drogue en Espagne.

Le commissaire, 56 ans, est jugé pour "faux en écriture par personne dépositaire de l'autorité publique" pour cette manoeuvre, dont il conteste l'illégalité, assurant avoir agi avec l'aval du parquet de Paris.

- "Dés pipés" -

Pour preuve, selon lui, une magistrate lui avait demandé d"habiller" l'extraction de Sophiane Hambli en garde à vue pour sécuriser la procédure, et une autre a validé la prolongation de la mesure.

Appelé à témoigner, François Molins, qui n'a eu connaissance de l'opération qu'en 2017, a estimé que "les dés étaient pipés" et que ses consoeurs n'avaient pas eu accès à tous les éléments du dossier.

"Comme chaque fois sur ces années avec l'Ocrtis, on a une information cloisonnée, ou parcellaire ou déloyale", a-t-il assené, en s'attaquant plus largement aux méthodes de l'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants, que François Thierry a dirigé de 2010 à 2016.

Pour le haut magistrat, "dans tous les grands dossiers de l'Ocrtis, on avait des informateurs qui donnaient les plus petits sans gêner ceux qui généraient les trafics", mais aussi une tendance des policiers au "forum shopping" qui consiste à saisir le parquet de son choix.

Plus fondamentalement, il a critiqué la méthode des "livraisons surveillées" mises au point par l'Office à cette période, et qui consistait à laisser entrer de la drogue en France pour démanteler les réseaux de revente.

"On a eu le sentiment qu'on privilégiait les saisies sans toujours démanteler les réseaux", a lâché François Molins.

- "Soldats grecs" -

La veille, François Thierry, qui risque 15 ans de réclusion criminelle, avait nié être un "cow-boy" solitaire.

Mardi, il a redit n'avoir "jamais eu la volonté de dissimuler quoi que ce soit à l'autorité judiciaire".

Le commissaire a défendu le bilan de la dizaine de "livraisons surveillées" réalisées sous sa gouverne. Elles ont permis 429 interpellations, la saisie de 93 tonnes de résine, d'environ 200 véhicules, d'une trentaine de bateaux... a-t-il énuméré.

"On n'avait rien à cacher avec ce dispositif", même si "le professionnalisme nous a conduit à une certaine réserve sur les détails opérationnels", a-t-il déclaré, en confiant "avoir du mal à accepter" les interrogations sur "le but poursuivi".

Ces opérations avaient été baptisées Myrmidon, du nom de "soldats grecs, dont la rumeur dit que leur détermination leur permettait de remporter les batailles malgré leur faible nombre", a-t-il encore rappelé. Comme eux, "on était peu nombreux à essayer de faire des choses extrêmement ambitieuses".

François Thierry, qui pilote aujourd'hui la stratégie numérique de la police nationale, sera fixé vendredi dans ce dossier qui n'est que le premier volet d'une enquête tentaculaire.

Dans un autre dossier principal, instruit à Bordeaux et lié à la saisie en 2015 en plein Paris de sept tonnes de résine de cannabis appartenant à Sophiane Hambli, il devra répondre de complicité de trafic de drogue. La date du procès n'est pas encore fixée.

Ces scandales ont entraîné le démantèlement de l'Ocrtis, remplacé en 2019 par l'Office anti-stupéfiants (Ofast).

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