Au procès de Bernard Squarcini, Bernard Arnault charge François Ruffin, qu’il accuse de vouloir « vendre » son film
JUSTICE - L’homme le plus riche de France joue les ingénus. Bernard Arnault, convoqué en qualité de témoin au procès de l’ex-patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini, qui est accusé d’avoir surveillé François Ruffin et son journal Fakir pendant trois ans pour le compte de LVMH, était très attendu à la barre, ce jeudi 28 novembre.
Entendu à la demande de François Ruffin et de ses avocats, le PDG du géant français du luxe a été sommé de s’expliquer sur l’opération de surveillance mise en place autour du futur député de la Somme. À l’époque des faits, François Ruffin tournait Merci Patron !, un documentaire satirique sur Bernard Arnault, faisant craindre à LVMH de possibles interventions du réalisateur lors d’assemblées générales du groupe.
Ce jeudi, Bernard Arnault a commencé par rappeler qu’il était uniquement présent comme témoin, « simple témoin » même. En avançant que dans ce dossier, sa « mise en examen n’a jamais été envisagée par les juges d’instruction ». Il faut en effet rappeler que ni LVMH, ni Bernard Arnault ne sont mis en cause dans cette affaire, puisque le groupe avait passé un accord avec la justice française fin 2021 - une « convention judiciaire d’intérêt public » -, garantissant l’abandon des poursuites en échange d’une amende de 10 millions d’euros.
« C’est bien le genre de François Ruffin, ça »
À la barre, Bernard Arnault s’est donc contenté de nier toute implication, renvoyant presque systématiquement la faute sur son ancien numéro 2, Pierre Godé, décédé en 2018. Le tout en évoquant une absence de souvenir ou une parfaite ignorance des agissements de son vice-président, de Bernard Squarcini ou même de sa secrétaire personnelle.
À la place, Bernard Arnault a préféré s’attaquer frontalement à François Ruffin. L’homme d’affaires estime par exemple que le député de gauche « essaie d’instrumentaliser ce procès pour des raisons personnelles, médiatiques, politiques, voire commerciales ». Notamment en faisant « la promotion de son dernier film », à savoir Au boulot !, sorti le 6 novembre.
Des accusations que le milliardaire a d’ailleurs réitérées lorsqu’il a été questionné sur un épisode de 2014, au cours duquel il est soupçonné d’avoir fait pression sur France Télévisions et sur le journaliste de Complément d’enquête Tristan Waleckx après un sujet sur sa personne. « On m’accuse presque d’avoir tué Benoît Duquesne (le présentateur de l’émission à l’époque, ndlr) ! C’est bien le genre de François Ruffin, ça : il veut juste vendre son film, faire du battage médiatique ! », s’est emporté Bernard Arnault.
Le PDG de LVMH s’est quand même permis quelques traits d’humour. Comme lorsqu’il a affirmé avoir vu Merci Patron ! « à sa sortie » et l’avoir trouvé « assez drôle ». De quoi lui inspirer la remarque suivante : François Ruffin « est bien meilleur sur le plan cinématographique que sur le plan politique ».
« Infiltrer une bande de clowns ça ne sert à rien »
Mais le ton est rapidement redevenu sérieux lorsque le milliardaire de 75 ans a été assailli de questions sur son degré d’implication dans l’espionnage de François Ruffin, lesquelles s’appuyaient sur plusieurs témoignages le citant directement et semblant prouver, a minima, sa connaissance du dispositif. A-t-il été tenu informé par Pierre Godé ? « Absolument pas. »
Pourtant, dans une conversation enregistrée le 6 mars 2013, sa secrétaire évoquait auprès de Bernard Squarcini un « courrier de Fakir, je ne sais pas comment monsieur Arnault se l’est procuré ». Sa défense ce jeudi : « Je n’ai pas l’habitude de recevoir des courriers de Fakir, ça ne me dit rien. » Le lendemain de cet échange, Pierre Godé évoquait au téléphone avec Bernard Squarcini une « infiltration » ? La réponse de Bernard Arnault : « Ce n’est pas à moi de juger ce que monsieur Godé peut faire, je n’étais absolument pas au courant de tout ça. »
« Si j’avais su (que LVMH) voulait infiltrer Fakir, j’aurais dit non, j’aurais mis mon veto. Parce que ça ne sert à rien. Infiltrer une bande de clowns, ça ne sert à rien », a finalement lâché l’homme d’affaires, dont la défense n’a jamais bougé, malgré cet interrogatoire parfois musclé.
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