Au Mali, la France accusée d’armer des djihadistes, l’Élysée dément

La junte malienne au pouvoir réclame une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU en réaction aux « actes d’agression » dont elle accuse la France.

INTERNATIONAL - Le Mali a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU une réunion d’urgence pour faire cesser ce qu’il présente comme « des actes d’agression » de la France, accusée de violer son espace aérien, d’espionnage, ainsi que de soutien aux groupes jihadistes dans le pays, en leur apportant des renseignements et en leur « larguant des armes et des munitions ».

Des accusations qui font franchir un nouveau degré dans l’escalade verbale menée contre la France par la junte militaire au pouvoir. Le nouveau commandant de la force antijihadiste française au Sahel a jugé le propos « insultant » pour la mémoire des soldats français et maliens et des Casques bleus tués au Mali, pays pris dans la tourmente jihadiste et sécuritaire depuis 2012.

« Rocambolesque et invraisemblable »

Dans les colonnes du Monde, l’Élysée a fermement démenti. « La junte franchit un palier dans le rocambolesque et l’invraisemblable en portant des accusations évidemment sans fondement », indique le Palais à nos confrères. Les dernières activités menées lors du retrait des troupes françaises consistaient « à sécuriser les derniers convois militaires français de l’opération quittant le Mali, à surveiller les activités des terroristes et à cibler des hauts cadres des deux principaux groupes » terroristes, précise la même source.

Ces accusations coïncident en effet avec le départ du dernier soldat français au Mali, après neuf ans d’engagement contre les jihadistes. La junte au pouvoir au Mali depuis le putsch d’août 2020 s’est détournée de la France et de ses alliés pour se tourner vers la Russie. L’armée française, poussée vers la sortie, a quitté successivement et transféré aux autorités maliennes ses différentes bases au Mali, la dernière lundi à Gao.

Les Russes semblent n’avoir pas traîné de leur côté. Le gouvernement allemand a indiqué mercredi disposer d’informations selon lesquelles environ 20 à 30 personnes, probablement des Russes en uniforme, ont été repérées en train de décharger un avion sur l’aéroport de Gao le jour du départ français. L’aéroport jouxte immédiatement le périmètre qui incluait la base française, et comprend aussi le camp de la mission de l’ONU (Minusma), avec un fort contingent allemand.

Mise en garde

La lettre adressée par le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, à la présidence en exercice chinoise du Conseil de sécurité de l’ONU date du même jour. Transmise mercredi à des journalistes par ses services et abondamment reproduite sur les réseaux sociaux, elle dénonce les « violations répétitives et fréquentes » de l’espace aérien national par les forces françaises au cours des derniers mois, et les vols d’appareils français se livrant à « des activités considérées comme de l’espionnage » et des tentatives « d’intimidation ».

Les autorités maliennes affirment disposer « de plusieurs éléments de preuve que ces violations flagrantes de l’espace aérien malien ont servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions », ajoute Abdoulaye Diop. Il laisse entendre que les Français pourraient avoir transporté par hélicoptère deux membres d’un groupe jihadiste début août dans la région de Tombouctou.

Le Mali « invite » le Conseil de sécurité à œuvrer pour que la France « cesse immédiatement ses actes d’agression » et demande à la présidence chinoise de communiquer ces éléments aux membres du Conseil de sécurité en vue d’une réunion d’urgence, indique M. Diop. Le Mali « se réserve le droit de faire usage de la légitime défense » si les agissements français persistent, conformémement à la Charte des Nations unies, affirme le ministre.

Le général Bruno Baratz, commandant de la force française Barkhane, a trouvé « étonnant » que les Français soient accusés de soutenir les jihadistes. « C’est un peu insultant pour la mémoire de nos 59 camarades (français) qui sont tombés en se battant pour le Mali, et également pour la mémoire de tous les Maliens qui se sont battus à nos côtés, mais aussi les personnels de la Minusma, des forces africaines de la Minusma qui sont tombés en luttant contre le terrorisme », a-t-il dit à Radio France Internationale au Niger, pays voisin du Mali et allié de la France qui a accepté le maintien d’une base aérienne française à Niamey.

Interrogé sur les accusations portées par le Mali contre la France, le porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a déclaré que les Nations unies étaient « extrêmement reconnaissantes à la France et aux forces françaises de leur engagement » pour stabiliser le Mali. Farhan Haq a espéré devant la presse sans nommer personne que tout autre pays coopérant avec les autorités maliennes essaierait « pareillement de jouer un rôle stabilisateur ». Quant à une réunion d’urgence du Conseil, il a déclaré que la décision appartenait à ses membres.

Le Mali n’est pas membre du Conseil de sécurité et sa demande doit être relayée par un Etat membre. Un diplomate a jugé sous couvert de l’anonymat à New York « improbable » qu’une telle réunion ait lieu.

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