Au Labour, les premiers pas du gouvernement Starmer laissent les militants sur leur faim

Le Premier ministre britannique Keir Starmer lors du congrès annuel du Labour à Liverpool (nord-ouest de l'Angleterre), le 23 septembre 2024 (Oli SCARFF)
Le Premier ministre britannique Keir Starmer lors du congrès annuel du Labour à Liverpool (nord-ouest de l'Angleterre), le 23 septembre 2024 (Oli SCARFF)

Trois mois après son arrivée au pouvoir au Royaume-Uni, le Premier ministre travailliste Keir Starmer doit déjà composer avec le scepticisme d'une partie de ses troupes, notamment les plus à gauche, même si elles semblent à ce stade manquer de relais au Parlement.

Dans les allées du congrès du Labour, à Liverpool, l'ambiance n'est déjà plus vraiment à l'autocongratulation malgré la victoire massive du parti aux législatives du 4 juillet.

"Nous étions plein d'optimisme et d'espoir (...) Certaines des décisions que le gouvernement a prises nous ont refroidis", affirme à l'AFP George Cumiskey, 75 ans et vétéran des congrès du Labour.

"Notre parti, ce n'est pas ça", abonde Jenny Ward, militante de 76 ans, en évoquant la suppression d'un chèque énergie pour des millions de retraités décidée par le gouvernement, qui justifie cette mesure par l'état dégradé des finances publiques.

Mark, 64 ans et ancien employé dans le secteur des transports, comprend lui que Keir Starmer doive prendre "des décisions difficiles", dont "on ne saura que dans deux ou trois ans si elles ont fonctionné".

Mais même chez les plus jeunes, ces explications ont du mal à passer. "Nous avons eu ce discours avec les Tories ces 14 dernières années: +le pays n'a plus d'argent, donc nous allons devoir couper dans les services publics+, mais à la fin cette rhétorique ne fonctionne pas", lance Fraser, un étudiant de 21 ans qui tient le stand de Labour Unions, structure regroupant les syndicats affiliés au parti.

Lundi, des militants du syndicat Unite ont manifesté aux abords du congrès pour réclamer davantage d'impôts sur les plus aisés.

Depuis 2020 et son arrivée à la tête du Labour, Keir Starmer, persuadé que le retour au pouvoir passait par un recentrage du parti, a tout fait pour tourner la page de son prédécesseur, le très à gauche Jeremy Corbyn.

Il a fait le ménage dans les instances dirigeantes travaillistes, pour en évacuer les corbynistes. Un mouvement comme "Momentum", qui défend la création d'un gouvernement "socialiste", a considérablement perdu en influence sur les grandes orientations du parti.

"Il y a cette tension entre la direction du Labour qui reste prudente et des membres du parti qui veulent des dépenses et des projets enthousiasmants", souligne Jonathan Tonge, professeur de sciences politiques à l'université de Liverpool.

- Main de fer -

Mais depuis l'élection, Keir Starmer dirige d'une main de fer sa majorité de plus de 400 députés à la chambre des Communes. Il n'a pas hésité à en suspendre sept dès juillet pour avoir voté un amendement qui allait contre la vision du gouvernement sur une aide financière aux familles.

Starmer a fait passer le message: "soit vous êtes avec moi, soit vous êtes sanctionné", insiste Jonathan Tonge.

Lundi encore, la direction du parti a reporté à la toute fin du congrès, quand beaucoup de membres sont déjà partis, le vote d'une motion déposée par deux syndicats contre la suppression du chèque énergie pour les retraités.

Une décision dénoncée comme une "manoeuvre pathétique" sur X par le groupe Momentum, qui accuse "l'élite du parti d'avoir peur de ses propres membres".

Quelques voix parviennent à se faire entendre, comme celle de la députée Diane Abbott, première élue noire du Parlement et figure emblématique du Labour, sans pour autant peser sur la ligne du gouvernement.

"Pour le moment, je pense que la plupart des nouveaux députés - et il y en a beaucoup - vont sans doute faire ce que leur dit la direction du parti", estime Steven Fiedling, professeur de sciences politiques à l'université de Nottingham.

Jusqu'à quand? Selon lui, au moins jusqu'à après le budget, et si la situation ne s'améliore pas, ils réclameront au gouvernement des "mesures concrètes" pour "améliorer la vie" de leurs électeurs.

Du côté des syndicats, qui contribuent historiquement au financement du Labour, les critiques restent à ce stade mouchetées.

"Ils continueront de soutenir le gouvernement travailliste parce qu'il leur a promis une réforme des droits des travailleurs", estime Jonathan Tonge.

Sans pour autant lui accorder un blanc-seing. Malgré des accords sur des hausses de salaires, ils laissent planer la menace de nouvelles grèves.

Plus discrètement, le syndicat Unite a cessé de financer la direction du parti, révélait récemment le Financial Times. Il concentre désormais ses subsides sur près de 90 députés, pour la plupart réputés plus à gauche.

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