Au Havre, Philippe critique la dette "mais pas le président"

POLITIQUE - Ça va mieux en le disant. Alors que l’offensive d’Édouard Philippe, qui lançait ce samedi 9 octobre au Havre son propre parti politique baptisé “Horizons”, inquiète en Macronie, l’ex-Premier ministre a pris soin de répondre aux critiques passées et à venir.

Sur la scène du Carré des Docks de sa ville, où il a livré un discours-fleuve sur la politique à mener en France, il explicite assez vite sa démarche: “Il faut que j’évacue une idée absurde. Quand je dis qu’il faut remettre de l’ordre dans nos comptes et dans nos rues je ne suis pas en train de critiquer le gouvernement actuel et certainement pas le président”.

“Nouvelle offre politique”

Voilà qui a le mérite de la clarté, alors que la première demi-heure de son discours pouvait prêter à confusion. “Je veux construire un mouvement, participer à une nouvelle offre politique”, lançait-il dès son introduction, souhaitant que “notre pays puisse regarder loin”.

“Nous manquons d’une stratégie à horizon 2050, je veux la construire avec vous”, disait-il à ses partisans “et une bonne stratégie commence par un constat”. Durant plus d’une heure, il a détaillé les “quatre vertiges” qui auraient pu en donner à Emmanuel Macron s’il a regardé son ancien Premier ministre: la démographie, la crise environnementale, la géopolitique et la technologie, dessinant tour à tour des constats et des pistes de débats ou de solutions pour le pays.

Comme un programme à 360° pour la France qui aurait eu de quoi inquiéter les troupes d’Emmanuel Macron si le maire du Havre n’avait pas insisté lourdement sur sa loyauté au président.

“Les sujets dont je vous parle ne sont pas des sujets d’actualité immédiate”, a-t-il finalement précisé, afin de clarifier que ses propositions économiques, technologiques, environnementales ou géopolitiques n’entrent pas en concurrence avec l’action du gouvernement.

“Mon objectif en 2022, je le dis très très clairement, c’est de faire en sorte que le président de la République soit réélu”, a-t-il insisté, louant “son audace”, notamment en allant chercher un “Premier ministre qui n’appartenait pas à son camp”.

Dettes, retraites et réformes de l’État

Edouard Philippe a insisté sur ses “dadas”, l’importance de réduire la dette publique sans remettre en cause le “quoi qu’il en coûte”, mesure dont il salue “l’intelligence” et qu’il voit comme une meilleure réponse à la crise sanitaire que celle mise en place par Nicolas Sarkozy face à la crise de 2008.

L’ancien chef du gouvernement est aussi revenu longuement sur la réforme des retraites, qu’il défendait avant la crise du Covid-19 et son départ de Matignon. Il n’a pas renié son interview à Challenges qui a fait couler beaucoup d’encre, en assurant que “le départ à 67 ans, il existe déjà, notamment pour les femmes qui ont des carrières hachées”, tout en insistant sur la nécessité d’une réforme “plus juste” et d’un système ”à réformer”.

Sur le plan intérieur, c’est la justice qui semble être sa priorité pour “rétablir l’ordre dans les rues”, en plus de le rétablir “dans les comptes”. “C’est le maillon le plus faible pour garantir l’ordre”, commence-t-il, Eric Dupond-Moretti qui se félicite des augmentations “historiques” de son budget appréciera. “Les chiffres parlent d’eux-mêmes, il faut augmenter les moyens”, appuie-t-il en comparant les systèmes judiciaires français à celui de l’Allemagne “où il y a deux fois plus de juges”.

Un discours de droite pour la droite

A ceux qui en doutaient, Philippe a fait un discours de droite, pour la droite. Outre une diatribe à peine caricaturale sur “le wokisme, la cancel culture et tout le tintouin”, ironisant sur le fait que lire Homère serait “une vision très masculine de l’Antiquité”, il a cité des maires de droite présents dans la salle comme Laurent Marcangeli (Ajaccio, ex-LR) ou Xavier Bonnefont (Angoulême, ex-LR) et Nicolas Sarkozy qui n’aurait pas renié cette diatribe.

“La crise migratoire n’a pas commencé, elle est devant nous”, a-t-il ajouté, citant l’ancien président tout juste condamné pour le dépassement de ses comptes de campagne (il a fait appel). “Cette phrase est juste”, loue Philippe, sans référence aux déboires judiciaires de son ancien chef de parti.

Le juppéiste a ensuite ironisé sur “les campagnes gagnées d’avance”, en référence à l’échec de son mentor à la primaire de la droite de 2016, et prévenu l’actuel président: “Je pense que la réélection d’un président, c’est encore plus difficile que l’élection d’un président”. Au bout de deux heures de discours, il a promis de contribuer à ”élargir” la majorité autour d’Emmanuel Macron, mais n’a pas montré de grand enthousiasme quant à la “maison commune” qui tente de se construire autour du président sortant.

“Si c’est une bannière nous serons derrière, si c’est une maison commune ou il y a des pièces pour tous ceux qui veulent participer, nous y serons heureux”, a-t-il déclaré avant un avertissement à peine voilé à ceux du MoDem qui s’opposent à son arrivée: ”Je ne veux pas de quelque chose qui ferait une différence entre ceux qui sont déjà à l’intérieur et ceux qui ont vocation à y entrer”. Bayrou appréciera. Il a fini par une Marseillaise et a lâché un “je suis fatigué”, avant d’aller déjeuner. Ce qui est certain, c’est qu’on entendra parler de Philippe pendant les six mois qui nous séparent de la prochaine présidentielle.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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