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Au commissariat de Reims, des avocats accompagnent les victimes de violences conjugales

Le commissariat central de Reims. - Google Streetview
Le commissariat central de Reims. - Google Streetview

Passer les portes d'un commissariat, oser porter plainte, ne pas se rétracter face à la pression ou la peur. Les victimes de violences conjugales ont encore trop souvent du mal à libérer leur parole et dénoncer les actes qu'elles subissent. Afin de les soutenir dans leur démarche, un avocat pourra désormais être présent à leur côté dès leur dépôt de plainte au commissariat de Reims.

Une expérimentation d'un an vient d'être lancée après la signature ce mercredi, qui est la journée de lutte contre les violences sexuelles, sexistes, conjugales et intrafamiliales, d'une convention de partenariat entre le parquet de Reims, le barreau de Reims, la direction départementale de la sécurité publique de la Marne et l'association France Victimes 51.

"Les différents partenaires croient au fait que nous pouvons améliorer un élément du champ judiciaire", explique à BFMTV.com Matthieu Bourrette, le procureur de la République de Reims.

Ne pas être "seul" lors du dépôt de plainte

L'expérimentation se déroulera au commissariat central de Reims, qui produit 80% des dossiers pénaux, du lundi au vendredi. Lorsqu'une personne viendra pour dénoncer des faits de violences conjugales, elle sera orientée vers l'association France Victime 51, qui dispose d'une permanence dans les locaux de la police. On lui proposera alors d'être accompagné d'un avocat. Si elle refuse, un officier de police judiciaire la prendra en charge. Si elle accepte, l'avocat de permanence, sur les 36 du barreau de Reims, sera contacté par l'association et pourra l'assister lors de son dépôt de plainte.

"Nous aurons l'obligation de nous déplacer dans l'heure de l'appel", explique à BFMTV.com Me Adelaïde Kadiyogo, vice-bâtonnière du barreau de Reims.

"Ce délai va s'inscrire dans le pré-accueil et le processus d'accompagnement de la victime, la prise en charge et le recueil de sa parole pourront être ainsi réalisés dès l'arrivée de l'avocat", détaille Joseph Merrien, le directeur départemental de la sécurité publique de la Marne, précisant que cette procédure facilitait l'adhésion des policiers.

Libérer la parole des victimes

Aucun texte législatif ne prévoit qu'une victime, à la différence d'un mis en cause, soit accompagnée d'un avocat au moment de sa plainte. La loi le permet dès le stade de la confrontation. Une difficulté contournée par le procureur de la République de Reims qui a autorisé la présence d'un conseil dès l'arrivée de la victime au commissariat. Les avocats - qui travailleront bénévolement et gratuitement - comme la police ont tout de suite accepté le principe de ce partenariat.

"Il faut faire en sorte que la femme ne soit pas seule face à l'épreuve du dépôt de plainte", insiste le procureur de la République Matthieu Bourrette.

Le premier objectif de cette expérimentation vise à permettre la libération de la parole des victimes de violences ou de menaces conjugales ou ex-conjugales, avec la présence d'un soutien dès le début de sa démarche. Procureur, avocats comme policiers espèrent que la présence d'un personnel de droit pourra notamment éviter les retraits de plainte, mais aussi le recueil d'une parole plus complète. Les avocats auront d'ailleurs le droit de poser des questions aux victimes afin de leur faire préciser certains points et aider le travail des enquêteurs.

"Dans ce type de dossier, l'interaction affective est très forte, c'est autant de blocage, de biais affectifs qui peuvent limiter la parole d'une victime ou qui la force, de manière involontaire, à présenter les choses de manière incomplète", détaille le directeur de la sécurité publique. "L'apport majeur de cette convention est que l'avocat intervient en amont, abonde Me Kadiyogo. Le fait d'intervenir tôt permet la libération de la parole, une parole plus complète, mais aussi permettre la conservation des preuves...".

"Faire gagner du temps"

Une parole plus complète pour des dossiers plus complets, plus rapidement, qui "feront gagner du temps à tout le monde", des policiers aux magistrats en passant par la victime, espère le commissaire divisionnaire Joseph Merrien. Car pour ces plaignants, qui pour beaucoup ont du mal à pousser la porte d'un cabinet d'avocats, la présence d'un conseil pourra également lui permettre de connaître toutes les protections dont elles peuvent bénéficier au regard de la loi, et notamment la possibilité de bénéficier d'une ordonnance de protection qui permet l'éloignement du proche violent. Ordonnance qui peut être prononcée par un juge aux affaires familiales dans un délai de huit jours.

"L'avocat pourra rester tout au long de la procédure pénale, mais aussi tout au long des autres procédures, si la victime le souhaite", confirme la vice-bâtonnière du barreau de Reims, citant comme exemple la procédure de divorce ou celle devant un juge des affaires familiales pour statuer sur la garde des enfants.

Au final, l'objectif pour le procureur de la République de Reims est d'avoir "un maximum d'éléments pour statuer". "Peut-être qu'à la fin, il y aura plus de critiques sur les décisions prises par le parquet, mais je suis très confiant sur l'intérêt de cette expérimentation", conclut Matthieu Bourrette, alors que ses services ont déjà reçu 250 dossiers de violences conjugales sur les neuf premiers mois de l'année.

Article original publié sur BFMTV.com