Attention : cette image d'une manifestation contre la présence militaire française en Côte d'Ivoire date de 2003

Après une série de coups d'Etat au Mali, au Burkina Faso puis au Niger, les juntes militaires  ont poussé dehors l'armée française, marquant la fin d'une décennie d'intervention antijihadiste au Sahel. Depuis septembre, une publication virale sur les réseaux sociaux ouest-africains fait croire à une mobilisation citoyenne en Côte d'Ivoire pour le "désengagement de l'armée française" du pays, utilisant la photographie d'une foule brandissant une pancarte sur laquelle est écrit "Quittez ! Abidjan soldats français". Mais attention, ce visuel est ancien, il date de 2003, au plus fort de la crise politico-militaire qui avait paralysé le pays. Aucun média ivoirien ne rapporte par ailleurs un tel évènement récent.

<span>Capture d'écran d'une publication sur X (ex-Twitter), réalisée le 17 septembre 2024</span>
Capture d'écran d'une publication sur X (ex-Twitter), réalisée le 17 septembre 2024

Une pancarte brandie par l’un des manifestants ordonne : “Quittez ! Abidjan soldats français”. La photo accompagne une publication du 8 septembre sur X (ex-Twitter) d'un internaute basé au Niger, qui alerte sur une prétendue manifestation en Côte d’Ivoire pour exiger le “désengagement de l’armée française”, “avec effet immédiat" (lien archivé ici).

Ce message apparaît sur les réseaux sociaux au moment où des internautes fervents défenseurs de l’alliance des Etats du Sahel (AES) multiplient des publications hostiles au gouvernement ivoirien.

Le  Burkina Faso, le Niger et le Mali qui constituent l’AES, ont créé une force militaire commune après le retrait forcé des troupes militaires françaises de leur territoire (dépêche archivée ici). Ils avaient précédemment rompu avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dont fait partie la Côte d’Ivoire.

Mais l’image qui circule n’a rien à voir avec le contexte actuel.

Nous avons procédé à une recherche d'images inversées pour trouver de précédentes occurrences de ce cliché sur la toile.

On le retrouve dans la banque d’image américaine Getty Images. On y apprend qu’elle a été prise en février 2003 par l’Agence France-Presse (lien archivé ici).

La photo se trouve effectivement dans la banque d’images de l’AFP avec une légende détaillée qui indique une manifestation des partisans du Mouvement des Jeunes Patriotes le 19 février 2003, à Abidjan "devant la 43e base militaire française du BIMA appelant les soldats français à quitter le pays."

Capture d'écran des résultats d'une recherche photo sur afpforum.com

L’image qui circule est donc ancienne.

Par ailleurs, aucun média ivoirien ne rapporte une récente mobilisation citoyenne contre la présence de l'armée française à Abidjan.

En revanche, en 2003 le régime de Laurent Gbagbo, alors au pouvoir,  est fortement menacé par une faction rebelle venue du nord du pays. Les affrontements armés entre les dissidents et les partisans du régime plongent le territoire ivoirien dans une longue période de crise politique (lien archivé ici).

Fin janvier et début février 2003 sont précisément marqués par des manifestations de militants de Laurent Gbagbo, contre la présence française dans le pays. Le mouvement des Jeunes patriotes en l'occurrence, s'était attaqué à tous les symboles français à Abidjan, pour dénoncer les accords de Marcoussis censés mettre fin à la crise ivoirienne (lien archivé ici).

Il s’agit d’un accord de paix obtenu par la médiation de la France, entre le pouvoir ivoirien et les rebelles. L’une des principales décisions de ce consensus était l’intégration des rebelles à des ministères stratégiques au sein du gouvernement (lien archivé ici).

La Côte d'Ivoire est l'un des plus solides alliés de la France en Afrique de l'Ouest, qui abrite quelque 900 militaires français au sein du 43e Bataillon d'infanterie de marine (43e BIMa).