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Attentat en Isère: Yassin Salhi mis en examen et écroué

PARIS (Reuters) - L'auteur présumé de l'attentat commis vendredi dernier en Isère a été mis en examen et placé en détention provisoire mardi soir, a-t-on appris de source judiciaire. Lors de sa garde à vue, Yassin Salhi, 35 ans, a reconnu s'être rendu en Syrie, où il a passé un an en 2009 selon sa soeur, et a déclaré n'avoir obéi à aucune motivation religieuse. L'enquête, toutefois, laisse "entrevoir un mobile terroriste" à son geste, auquel il a voulu donner une "publicité maximale", a déclaré le procureur de Paris. Il ressort des investigations qu'il avait "des relations suivies" avec un Français parti en Syrie en novembre dernier. Le jour de l'attaque, il lui a "immédiatement" envoyé deux photos, dont un selfie macabre avec la tête de son employeur, qu'il a décapité, un "mode opératoire" qui rappelle celui de l'Etat islamique, a souligné François Molins. "L'ensemble de ces éléments laissent entrevoir un mobile terroriste au geste de Yassin Salhi, bien que justifié par des considérations personnelles", a-t-il dit. "La décapitation, la mise en scène macabre, la volonté de provoquer une explosion au sein d'un site sensible, l'envoi des clichés comme la présentation d'un trophée de son crime à un correspondant se trouvant en Syrie : tout cela provoque un effet de sidération qui, à l'évidence, trouble gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur", a-t-il ajouté. Dans une conversation sur l'application "whatsapp" le soir de l'attentat, son correspondant en Syrie, Sébastien-Younès V., a indiqué très bien connaître le suspect et affirmé "être une des causes pour lesquelles il a fait ça." Cette conversation a été extraite d'un téléphone utilisé par une personne de l'entourage de Sébastien-Younès V. pour communiquer avec lui en Syrie. Le jeune homme, âgé de 30 ans et originaire Besançon, ajoutait avoir demandé l'autorisation à l'Etat islamique de diffuser les clichés reçus. "COPIEUSEMENT ENGUIRLANDÉ" Devant les enquêteurs, Yassin Salhi a refusé de s'exprimer pendant 24 heures avant de faire preuve d'une "mémoire sélective", s'abritant "derrière une prétendue amnésie" pour ne pas répondre à certaines questions, selon le procureur. Il a contesté toute connotation religieuse, évoquant simplement "sa volonté de frapper les esprits" et parlé d'une dispute avec sa femme et son supérieur. "Selon lui, les mobiles de son acte seraient purement personnels et son acte ne serait pas terroriste", a déclaré François Molins. "En fait, l'un n'exclut pas l'autre." Le procureur a ainsi confirmé que son employeur "l'avait copieusement enguirlandé" quelques jours avant l'attentat, en lui reprochant d'avoir fait tomber une palette de matériel informatique. Le jour de l'attaque, Yassin Salhi a foncé avec sa camionnette chargée de bouteilles de gaz dans un premier hangar de l'usine Air Products contenant des bouteilles d'air liquide, d'azote et de gaz. Puis il s'est rendu à pied dans un second hangar afin d'ouvrir des bouteilles de gaz avant d'être arrêté par les pompiers qui l'ont entendu crier "Allah Akbar". En tentant de faire exploser des bouteilles de gaz il a mené ce qui ressemble à "une opération martyr qui aurait pu causer un nombre important de victimes", puisque 75 personnes étaient présentes sur le site, d'après François Molins. REPÉRÉ DÈS 2003 Yassin Salhi a dit aux enquêteurs avoir décapité son employeur juste avant son arrivée à l'usine, après l'avoir dans un premier temps assommé et étranglé. L'autopsie de la victime n'a pas permis de déterminer si sa mort avait précédé ou suivi sa décapitation. Des examens complémentaires sont en cours. Le suspect, connu des services de renseignement dès 2003 pour sa fréquentation d'un groupe salafiste du Doubs, a été fiché de 2006 à 2008. Après plusieurs voyages au Maroc et en Arabie Saoudite en 2003-2004, il s'est rendu en Syrie en 2009 pendant un an, avec femme et enfants, d'après sa soeur. Là, il dit avoir appris l'arabe. Un de ses anciens professeurs de sport assure toutefois qu'il y a fréquenté une école coranique. "Quand on va dans une école coranique, c'est pas pour apprendre l'arabe, c'est pour tout autre chose", a estimé François Molins. Puis il s'est encore fait remarquer en 2011, apparaissant proche d'un "individu gravitant autour de la mouvance Forsane Alizza", dont 14 anciens membres ont été jugés en juin à Paris, et en 2014, quand un voisin a signalé la tenue à son domicile de réunions à caractère religieux. (Chine Labbé, édité par Sophie Louet)