Assistants fictifs du RN : qu'est-il reproché à Marine Le Pen et Jordan Bardella ?

Alors que Marine Le Pen sera jugée dans cette affaire, avec d'autres ténors du parti, à partir de fin septembre, de nouvelles révélations mettent en cause Jordan Bardella.

Le nom de Jordan Bardella ressurgit dans l'affaire des assistants fictifs du Front National. (Photo : Bertrand GUAY / AFP)

Une nébuleuse affaire mettant en cause tous les cadres du Rassemblement National (RN). À partir du 30 septembre prochain, 27 membres du parti d'extrême droite seront jugés par le tribunal correctionnel de Paris. Ils sont soupçonnés d'avoir organisé et participé à un vaste système de détournement de fonds publics au Parlement européen.

Si l'actuel président du RN, Jordan Bardella, ne figure pas parmi les accusés (contrairement à l'autre tête d'affiche du parti, Marine Le Pen), Libération publie ce lundi des révélations le reliant à cette affaire. Mais qu'est-il exactement reproché à Jordan Bardella et, plus généralement, pourquoi son parti va-t-il comparaître devant la justice dans quelques jours ?

Les faits qui seront examinés lors du procès à venir remontent à une période (entre 2004 et 2017) où le RN s'appelait encore Front National (FN). Comme le résume le Nouvel Obs, les 27 prévenus (11 anciens eurodéputés FN, 12 anciens assistants parlementaires et 4 collaborateurs du parti) sont accusés de détournement de fonds publics et/ou de complicité. Au titre de personne morale, le parti d'extrême droite est pour sa part accusé de complicité et recel de détournement de fonds publics.

Ces détournements de fonds concernent les enveloppes allouées par l’Union européenne (UE) à chaque député pour rémunérer des assistants parlementaires, représentant 21 000 euros par mois aux frais du contribuable européen. La justice française soupçonne le FN d'avoir utilisé cette manne financière, pendant plusieurs années, pour rémunérer des assistants parlementaires fictifs.

Ainsi, d'après l'ordonnance des juges d'instruction en charge de l'enquête, les personnes rémunérées avec ces enveloppes d'argent public n'auraient pas travaillé au Parlement européen, mais bien directement au siège du FN, au service du parti d'extrême droite. L'état-major frontiste aurait également utilisé cet argent pour éponger des dettes préexistantes ou régler des factures impayées.

D'après les calculs du Parlement européen, qui s'est porté partie civile, le préjudice s'élèverait à 6,8 millions d'euros sur la période 2009-2017. Il ne s'agirait donc pas d'un ou deux écarts isolés, mais bien, selon les mots des juges d'instruction, d'un véritable "système de détournement" orchestré "de manière concertée et délibérée" par la direction du FN, occupée par Jean-Marie Le Pen jusqu'en 2011, puis par Marine Le Pen.

Le fondateur du parti d'extrême droite et sa fille font d'ailleurs partie des accusés dans ce procès, tout comme d'autres ténors du FN : Bruno Gollnisch, Louis Aliot, Wallerand de Saint-Just, Nicolas Bay ou encore Julien Odoul. Eurodéputé depuis 2019, l'actuel président du RN Jordan Bardella ne figure, pour sa part, pas dans cette liste.

Toutefois, d'après le journaliste de Libération Tristan Berteloot, Jordan Bardella aurait lui aussi pu être inquiété par la justice pour un supposé emploi fictif d'assistant parlementaire. Comme l'indique le Nouvel Obs, ce dernier fut officiellement l'assistant de l’ancien eurodéputé Jean-François Jalkh entre février et juin 2015, dans le cadre d'un CDD à mi-temps. Pourtant, d'après une source citée par Libération, Jordan Bardella "n’a rien fait quand il était assistant" et travaillait plutôt pour la direction du FN à l'époque.

Dans un livre à paraître le 13 septembre intitulé La Machine à gagner - Révélations sur le RN en marche vers l'Elysée, Tristan Berteloot revient notamment sur cet épisode et affirme qu'en 2017, au moment où la justice française a commencé à enquêter sur des soupçons de détournement de fonds, "le nom de Jordan Bardella figur(ait) bien au dossier des enquêteurs". Le parti d'extrême droite aurait alors organisé une "contre-attaque" pour faire en sorte que l'étoile montante du parti ne soit pas inquiétée dans cette affaire.

Un membre de l'équipe de Jean-François Jalkh aurait ainsi été chargé de constituer un dossier permettant de prouver que Bardella avait réellement travaillé pour Jalkh pendant la période de son CDD. Toutefois, d'après les mots de Tristan Berteloot, ce fameux dossier serait un "dossier de preuves de travail bidon, antidaté de la période où Jordan Bardella était embauché comme assistant. Des documents factices, pour un emploi fictif."

Parmi les "documents factices" figurant dans ce dossier, Tristan Berteloot mentionne notamment une revue de presse trafiquée au "blanco" et un agenda sur lequel Jordan Bardella aurait "gribouillé de façon sommaire quelques événements liés au mandat de Jalkh, des dates de réunions plénières, des déplacements à Bruxelles, pour faire croire qu’il suivait son agenda ou l’accompagnait à plusieurs moments".

D'après l'enquête du journaliste de Libération, ces fausses preuves de travail auraient notamment été réalisées sous la direction d'un avocat belge nommé Ghislain Dubois, qui a travaillé comme assistant parlementaire de Jean-François Jalkh en 2017. Tristan Berteloot implique en tout cas directement Jordan Bardella dans cette affaire en affirmant que l'actuel président du RN aurait "paraphé de sa main" certains de ces faux documents.

À la suite de ces révélations, Jordan Bardella a réagi sur le réseau social X, dénonçant des accusations "fausses et diffamatoires". "Ni le Parlement européen, ni la Justice française, n'avaient trouvé à redire quant à la réalité de mon travail", ajoute l'eurodéputé.