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Offensive de l'armée syrienne appuyée par des frappes russes

par Sylvia Westall et Dominic Evans BEYROUTH (Reuters) - L'armée syrienne et ses alliés, appuyés par l'aviation russe, ont lancé mercredi ce qui semble être leur première grande offensive coordonnée contre les insurgés syriens tandis que Moscou faisait état de tirs de missiles dirigés contre les rebelles à partir de la mer Caspienne. Cet assaut combiné a touché des localités situées à proximité de l'autoroute nord-sud qui relie les grandes villes de l'Ouest tenue par les forces gouvernementales, rapporte l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Pour cette offensive terrestre, les forces du président Bachar al Assad et les milices alliées ont utilisé des missiles sol-sol. Ils ont touché au moins quatre positions des insurgés. L'OSDH fait également état de combats acharnés. Le Hezbollah libanais, allié de l'armée syrienne soutenu par l'Iran, a pris part à l'opération, dit-on de source régionale. L'Etat islamique (EI) s'est emparé d'une grande partie de la Syrie l'an dernier mais les secteurs visés par l'assaut conjoint de mercredi sont tenus par d'autres rebelles, dont certains sont soutenus par les Etats-Unis, ce qui, une nouvelle fois, a alimenté la rumeur selon laquelle le but véritable de l'intervention russe en Syrie n'est pas de défaire l'EI mais de soutenir le gouvernement syrien. Moscou affirme que son but est d'empêcher l'expansion de Daech. Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a dit au président Vladimir Poutine lors d'une émission télévisée que quatre navires de guerre russes présents en mer Caspienne avaient tiré mercredi 26 missiles contre l'EI en Syrie. Les missiles ont dû survoler l'Iran et l'Irak pour atteindre leurs cibles, couvrant une distance de 1.500 km, selon les données fournies par Sergueï Choïgou. À TROIS MÈTRES PRÈS Les missiles de croisière Kalibr (missiles Sizzler selon l'Otan) ont une précision à trois mètres près, indique le ministère russe de la Défense. L'offensive russe, entamée par des frappes aériennes il y a une semaine, a pris Washington et ses alliés à contre-pied. La Turquie, voisine de la Syrie, ne cesse de protester contre ce qu'elle qualifie de violations de son espace aérien par les Soukhoï de l'armée russe. Ankara a convoqué l'ambassadeur de Russie pour la troisième fois en quatre jours au sujet de ces violations dont l'Otan estime qu'elles sont délibérées. Selon une source citée par la télévision publique syrienne, les missiles tirés des navires de guerre russes ont visé 11 positions de l'EI à Rakka, Alep et Idlib. Ils ont détruit des usines de fabrication de bombes, des postes de commandement, des armes et des dépôts de carburant ainsi que des "centres d'entraînement terroristes", toujours selon la télévision. Quant aux frappes aériennes russes, elles ont détruit les dépôts d'armes d'un groupe rebelles entraîné par les Etats-Unis, le Lioua Soukour al Djabal, selon le commandant de cette unité. Dans son entretien avec son ministre de la Défense, Vladimir Poutine a dit qu'il était trop tôt pour parler des résultats des opérations russes en Syrie. Il a ordonné à son ministre de poursuivre la coopération avec les Etats-Unis, la Turquie, l'Arabie saoudite, l'Iran et l'Irak sur la crise. Toutefois, le secrétaire américain à la Défense, Ash Carter, a fait savoir que les Etats-Unis ne coopéreraient pas militairement avec la Russie en Syrie, tout en se disant désireux d'avoir des discussions pour assurer la sécurité des pilotes américains qui bombardent des positions de l'EI en Syrie. PRÉSENCE NAVALE En visite à Rome, Ashton Carter a jugé la stratégie russe "tragiquement erronée" et a renouvelé ses accusations selon lesquelles les frappes russes ne visaient pas l'EI. Le ministère russe de la Défense a lui aussi accusé l'armée de l'air américaine de ne pas toujours bombarder l'EI. Selon le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, seules deux des 57 frappes aériennes russes en Syrie ont touché des objectifs de l'EI. Les autres raids ont visé l'opposition syrienne "modérée", a-t-il dit. En Irak, le gouvernement et les puissantes milices chiites soutenues par l'Iran s'interrogent sur la détermination de Washington dans la lutte contre l'EI, qui contrôle un tiers du pays depuis l'été 2014. Ils estiment que les bombardements de la coalition mise en place par les Etats-Unis sont inefficaces. Le président chiite de la commission de la Défense du Parlement irakien a déclaré à Reuters que les autorités irakiennes pourraient demander à la Russie dans les "prochains jours ou les prochaines semaines" de procéder à des frappes aériennes contre Daech sur leur territoire. Moscou n'a pas reçu de demande officielle de l'Irak, a déclaré mercredi soir le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Selon l'ambassadeur des Etats-Unis auprès de l'Otan, Douglas Lute, le renforcement militaire russe en Syrie se traduit par une présence navale "considérable" en Méditerranée et le déploiement au sol d'un bataillon appuyé par les chars les plus modernes de l'arsenal russe. Pour l'OSDH, la Russie semble s'en être tenue à un soutien aérien mercredi. "Nous n'avons pas pour l'heure d'information faisant état d'avancées (des forces gouvernementales) sur le terrain, mais les frappes aériennes ont touché des véhicules et des bases des insurgés", a déclaré le directeur de l'OSDH, Rami Abdulrahman. (Avec Laïla Bassam à Beyrouth, Alexander Winning à Moscou, Phil Stewart et Crispian Balmer à Rome et Michael Georgy à Bagdad; Henri-Pierre André, Guy Kerivel et Danielle Rouquié pour le service français)