Assassinat de Vanesa Campos au bois de Boulogne: le parquet demande les assises pour neuf hommes

Vanesa Campos a été mortellement atteinte par une balle le 17 août. - AFP
Vanesa Campos a été mortellement atteinte par une balle le 17 août. - AFP

Le parquet de Paris demande les assises pour neuf hommes dont trois sont accusés d'avoir assassiné en 2018 dans le bois de Boulogne Vanesa Campos, une prostituée transgenre de 36 ans d'origine péruvienne, a appris l'AFP de sources concordantes.

Dans la nuit du 16 au 17 août 2018, route du Pré Catelan, cette grande brune aux longs cheveux noirs est retrouvée agonisante par ses "compañeras", près de son abri de fortune, quelques draps tendus dans un bosquet à la végétation chaotique.

Après que Vanesa a hurlé leur cri d'alerte, "Chicas todas !" ("toutes les filles !"), les prostituées sud-américaines ont entendu trois détonations. L'enquête, confiée à la Brigade criminelle, se concentre vite sur un groupe d'hommes principalement d'origine égyptienne et connus pour rapiner depuis de longues semaines les clients des prostituées pendant les passes, suscitant des tensions avec celles-ci.

Climat de "terreur" et "expédition punitive"

Âgés alors de 15 à 30 ans, ils sont issus d'une "population très précaire de mineurs étrangers isolés qui arrivent en France dans des conditions impossibles, et qui volent pour survivre" après leur arrivée, selon un de leurs conseils. A la tête du groupe sévissant dans ce haut lieu de la prostitution parisienne, "el nano" ("le nain"), un homme identifiées par toutes.

Ils entretiennent un climat de "terreur", selon le réquisitoire définitif du parquet de Paris du 9 novembre dont l'AFP a eu connaissance, qui amène les sud-américaines à riposter à la hauteur de leurs moyens, loin de toute présence policière. En juillet, elles engagent un homme, "Takaré", pour les protéger et empêcher les larcins du groupe d'Égyptiens.

Le soir des faits, les Egyptiens "organisent une expédition punitive", selon l'expression de la justice. A la main, bombes de gaz lacrymogène, couteau, tasers, voire branches directement arrachées aux arbres, mais aussi un revolver subtilisé une semaine plus tôt dans la voiture d'un policier au moment où il se trouvait avec une prostituée. Partie civile dans ce dossier, il a fait l'objet d'enquêtes administrative et pénale incidentes.

Un procès aux assises?

Quelques jours après le meurtre, un premier coup de filet permet la mise en cause de cinq personnes dans l'information judiciaire ouverte pour meurtre en bande organisée, mais pas du principal suspect, en fuite. Désigné par plusieurs de ses camarades comme l'auteur du tir mortel sur Vanesa Campos, Mahmoud K., un Égyptien alors âgé de vingt ans, est finalement interpellé en Allemagne dans un foyer pour migrants et mis en examen en janvier 2019 en France.

Le parquet de Paris demande donc pour celui qui est qualifié de "commanditaire de l'expédition punitive" un procès aux assises pour assassinat. La même qualification est requise pour Ali A. et Karim I., auteurs présumés de coups de couteau et de matraque. Six autres hommes ayant participé à l'agression mortelle pourraient être jugés pour association de malfaiteurs criminelle tandis qu'un dernier, mineur au moment des faits, pourrait comparaître devant le tribunal des enfants.

Il revient au juge d'instruction en charge du dossier de prendre une décision finale sur un procès pour ce meurtre qui avait suscité l'émoi de plusieurs associations. Le Strass (Syndicat du Travail sexuel) et l'association de défense des personnes trans Acceptess-T s'étaient désolés: "Une pute qui meurt (...), c'est un peu comme une blague sexiste, on en rit, puis on passe à autre chose".

"Sortir de la misère"

Les deux associations avaient notamment incriminé la loi d'avril 2016, qui a introduit la pénalisation des clients des prostitués, et demandé son abrogation. Pour ces organisations, ce texte fait baisser les revenus des prostituées et les oblige à exercer dans des endroits plus isolés, à l'écart de la police, où elles sont davantage exposées aux agressions.

Lorraine Questiaux, avocate du Mouvement du Nid, abolitionniste, conteste cette lecture: pour elle, le meurtre de Vanesa Campos n'est pas "la faute de la loi mais du mépris social dont ces personnes font l'objet. C'est la faute d'une idéologie d'avilissement, de la culture de viol et du patriarcat".

La compatriote et colocataire de Vanesa, Sandra, explique, elle, que la Péruvienne était "venue chercher une meilleure situation pour aider sa famille et sortir de la misère". Selon elle, "la seule chose qui embêtait" son amie arrivée en France en 2016, "c'était le danger au travail. Le Bois, c'est obscur, tu rentres dedans sans jamais savoir si tu vas en sortir".

Article original publié sur BFMTV.com