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Assassinat à Kiev d'un journaliste prorusse

Oles Bouzina, journaliste ukrainien connu pour ses opinions prorusses, a été abattu jeudi en début d'après-midi à Kiev par deux hommes cagoulés. Son assassinat survient moins de vingt-quatre heures après la mort d'un ancien député partisan de l'ex-président Viktor Ianoukovitch. /Photo d'archives/REUTERS

par Natalia Zinets et Pavel Polityuk KIEV (Reuters) - Un journaliste ukrainien qui défendait des opinions prorusses dans le conflit en cours en Ukraine a été abattu jeudi en début d'après-midi à Kiev par deux hommes cagoulés, a annoncé le ministère de l'Intérieur. L'assassinat d'Oles Bouzina, qui était âgé de 45 ans, survient moins de vingt-quatre heures après la mort d'un ancien député partisan de l'ex-président Viktor Ianoukovitch, retrouvé tué par balles mercredi soir à Kiev. Dans un communiqué, le président ukrainien Petro Porochenko a exigé une enquête rapide et transparente pour faire toute la lumière sur ces deux homicides. "Leur nature et leur portée politique sont claires: il s'agit d'actes délibérés qui font le jeu de nos ennemis", a-t-il affirmé. A Moscou, Vladimir Poutine s'est pour sa part inquiété de ces "assassinats politiques" et de la lenteur présumée des enquêteurs ukrainiens. Le journaliste Oles Bouzina, qui avait vainement brigué l'an passé un siège au Parlement sous l'étiquette du Bloc russe, publiait des tribunes dans le quotidien Sevodnya, propriété de l'homme d'affaires le plus riche du pays, Rinat Akhmetov. Il écrivait aussi sur les proximités historiques et culturelles entre les peuples russe et ukrainien. Il a été tué par balles vers 13h30 dans la capitale ukrainienne alors qu'il quittait son immeuble, près du centre-ville. Ses deux agresseurs, qui circulaient en voiture, n'ont pas été identifiés. Mercredi soir, c'est l'ancien député Oleg Kalachnikov qui était tombé sous les balles alors qu'il rentrait chez lui. Agé de 52 ans, cet ancien élu du Parti des régions avait, tout comme Bouzina, une solide connaissance des groupes opposés au mouvement pro-européen de "Maïdan" qui a emporté Ianoukovitch en février 2014. "Il semble que les assassinats de témoins du dossier anti-Maïdan continuent", a commenté sur Facebook Anton Guerachtchenko, conseiller du ministère de l'Intérieur auprès de Porochenko. DÉCÈS MYSTÉRIEUX Ces deux meurtres font suite aux décès mystérieux d'anciens alliés de Ianoukovitch, dont quatre anciens députés du Parti des régions qui se sont apparemment suicidés ces derniers mois, deux à l'arme à feu, un par défenestration et le dernier par pendaison. "L'Ukraine doit faire face à toute une série de meurtres de ce type", a souligné Vladimir Poutine lors de son apparition annuelle à une émission de questions-réponses avec les téléspectateurs. Il a dressé un parallèle avec l'enquête sur l'assassinat de l'opposant russe Boris Nemtsov, le 27 février à Moscou, qui, a-t-il dit, a conduit à l'arrestation des tueurs. "Mais en Ukraine, qui prétend être un Etat démocratique et aspire à l'Europe démocratique, il n'y a rien eu de tel. Où sont les assassins de ces personnes? Où sont ceux qui ont commis ces meurtres et ceux qui les ont commandités? Nulle part. Et l'Europe comme l'Amérique du Nord préfèrent ne pas le relever", a-t-il poursuivi. A l'inverse, et à l'appui des accusations de Porochenko, des responsables ukrainiens de même que des observateurs estiment pour leur part que les assassinats de Kalachnikov et de Bouzina sont peut-être l'oeuvre d'agents des forces spéciales russes qui chercheraient ainsi à tacher l'image des autorités pro-occidentales au pouvoir à Kiev. Le politologue Volodimir Fesenko s'étonne ainsi de la coïncidence entre les deux assassinats et la prestation télévisée de Poutine. "C'est comme si on lui avait livré sur un plateau la preuve d'une terreur politique en Ukraine", a-t-il dit à Reuters, voyant dans Kalachnikov et Bouzina des "victimes rituelles de la propagande russe qui ne jouaient pas un rôle sérieux dans le mouvement d'opposition". (Henri-Pierre André pour le service français, édité par Danielle Rouquié)