Gisèle Pelicot au procès des viols de Mazan : « Comment as-tu pu me trahir ? », demande-t-elle à son ex-mari Dominique

Droguée par son ex-époux qui la faisait ensuite violer par des dizaines d’inconnus recrutés sur internet pendant une décennie, Gisèle Pelicot avait de nombreuses choses à dire à mi-parcours du procès Mazan.
CHRISTOPHE SIMON / AFP Droguée par son ex-époux qui la faisait ensuite violer par des dizaines d’inconnus recrutés sur internet pendant une décennie, Gisèle Pelicot avait de nombreuses choses à dire à mi-parcours du procès Mazan.

JUSTICE - Un nouveau cri du cœur à mi-parcours. Après avoir longuement écouté les accusés et les différents témoins qui se sont enchaînés à la barre de la cour criminelle du Vaucluse ces dernières semaines, Gisèle Pelicot a pris une nouvelle fois la parole au procès des viols de Mazan mercredi 23 octobre.

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Une intervention forte, une fois de plus, car, après huit semaines de procès, Gisèle Pelicot avait des choses à dire après avoir été « blessée » et « interpellée » par ce qu'elle a pu entendre dans la salle d’audience. Mais avant de revenir sur certains points précis, comme l’administration des médicaments, elle a souhaité d’adresser à son ancien mari, présent ce mercredi dans le box des accusés.

« Je suis une femme totalement détruite et je ne sais pas comment je peux me relever de ça », a-t-elle lâché dans son propos introductif, expliquant être absente chaque lundi à l’audience en raison de ses séances chez le psychiatre. « Avant de poursuivre, j’aimerais m’adresser à Monsieur Pelicot. Je ne vais pas pouvoir le regarder, la charge émotionnelle étant là. Cinquante années vécues avec ce monsieur. J’aimerais l’appeler Dominique aujourd’hui… », a-t-elle ajouté avec difficulté, avant de s’adresser directement à lui.

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« Comment l’homme parfait a-t-il pu en arriver là ? Comment as-tu pu me trahir à ce point ? Comment as-tu pu amener ces étrangers dans ma chambre ? »

« Tu as choisi les bas-fonds de l’âme humaine »

« Tant de fois, je me suis dit que j’avais de la chance de t’avoir à mes côtés », a poursuivi la femme de 71 ans, en racontant comment Dominique Pelicot se montrait particulièrement présent lors des premières suspicions de problèmes neurologiques (des troubles finalement causés par la soumission chimique qu’elle subissait sans le savoir).

« Il m’a emmené chez le neurologue, pour des scanners quand j’étais inquiète. Il m’a aussi accompagné chez le gynécologue. Pour moi, c’était quelqu’un en qui j’avais entièrement confiance », a également détaillé Gisèle Pelicot.

« Je ne comprends pas comment il a pu en arriver là. Et je vais lui dire : moi, j’ai toujours essayé de te tirer vers le haut, vers la lumière. Toi, tu as choisi les bas-fonds de l’âme humaine. C’est toi qui as choisi », a finalement conclu Gisèle Pelicot.

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La septuagénaire s’est également permis de faire une remarque sur les adjectifs utilisés par de nombreux proches des accusés, souvent qualifiés de fils, de mari ou de père « exceptionnels ».

« Moi, j’avais le même à la maison. Le violeur n’est pas celui qu’on rencontre dans un parking, tard le soir. Il peut être aussi dans la famille, parmi les amis », a-t-elle souligné.

Avant d’être interrogée sur les déclarations de son ex-mari en fin de semaine dernière, Gisèle Pelicot a aussi réaffirmé sa volonté de porter son combat dans l’espoir de voir la société évoluer, raison pour laquelle elle maintient son refus d’un huis clos. « Je voulais que toutes les femmes victimes de viol – pas seulement quand elles ont été droguées, le viol existe à tous les niveaux – puissent dire : Madame Pelicot l’a fait, nous pouvons le faire aussi. Quand on est violée, il y a la honte, et ce n’est pas à nous d’avoir honte. »

Une routine insoupçonnée

Le temps des questions est ensuite venu. Car vendredi, devant la cour, Dominique Pelicot avait décrit avec minutie ses méthodes pour administrer les médicaments qui servaient à la soumettre chimiquement.

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Après avoir reconnu que son ancien mari « préparait beaucoup les repas », elle a mentionné plusieurs exemples flagrants, avec du recul, des stratagèmes de Dominique Pelicot pour la droguer. Ce qu’elle percevait alors comme un geste d’affection, comme lorsque ce dernier préparait un « écrasé de pomme de terre assaisonné à l’huile d’olive pour (elle), au beurre pour lui ». Sauf qu’« il avait déjà prévu deux assiettes dans le four ».

Même constat avec le rituel de la « glace au lit ». « Il regardait le foot. Et à la mi-temps, il m’apportait ma glace : framboise mangue, j’aimais beaucoup les sorbets », s’est-elle remémoré, se souvenant au passage de ses propres paroles lorsqu’elle exprimait « la chance » de vivre avec quelqu’un qui prenait autant soin d’elle.

L’un des faits les plus marquants de cet interrogatoire concerne un épisode survenu lors d’un rendez-vous chez le coiffeur, où Gisèle Pelicot estime qu’elle était sous l’emprise de substances. Une déduction survenue après avoir appris qu’elle avait parfois été violée en pleine journée, et renforcée par un détail : Dominique Pelicot avait insisté pour la conduire.

« La coiffeuse a pensé à un AVC. Elle m’a fait ma couleur, coupé les cheveux, fait le brushing : je n’ai aucun souvenir. Après, je suis rentrée, et c’est le trou noir », a-t-elle décrit. Elle avait préalablement expliqué qu’elle trouvait toujours une explication crédible à ce type d’événements. « Je marchais beaucoup. Je mettais ça sur le compte que j’avais peut-être trop forcé ».

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