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Art Belles à ravir

Défi artistique ou sujet sexiste ? Auteur d’un livre sur le «ravissement» et ses représentations, l’historien de l’art Jérôme Delaplanche plaide pour la contextualisation des œuvres plutôt que leur censure.

Le tableau, peint par un certain Alexandre Cabanel, date de 1860. On y voit un homme aux pieds de bouc, teint hâlé, muscles saillants, téton qui pointe, sourire terrible au coin des lèvres sur le point de capturer une jeune femme. Elle se débat, tente de repousser son assaillant. Sa robe a glissé, laissant sa peau laiteuse offerte aux yeux du satyre… et du spectateur. Devant cette Nymphe enlevée par un faune, les amateurs d’art académique seront aux nues : la précision des corps, le jeu de lumière, les fleurs dans les cheveux… Napoléon III s’empressa d’ailleurs d’acquérir la toile.

Violences. Aujourd’hui, c’est surtout une image violente d’agression sexuelle qui saute aux yeux. Où la victime est, une fois de plus, une femme. Cette œuvre, parmi une centaine d’autres, est au cœur d’un ouvrage passionnant intitulé Ravissement, les représentations d’enlèvements amoureux dans l’art, de l’Antiquité à nos jours. Son auteur, l’historien de l’art Jérôme Delaplanche, travaille sur le sujet depuis 2008, nous assure-t-il au téléphone depuis la Villa Médicis de Rome, où il dirige le département d’histoire de l’art. Que le livre sorte en plein questionnement des violences sexuelles et libération de la parole des femmes n’est que pur hasard. On sent d’ailleurs qu’il marche sur des œufs, qu’il pèse chaque mot. On le comprend. Son ouvrage est tout en nuances, le résumer est une affaire délicate. En introduction, il dit chercher à naviguer entre deux eaux. Entre le féminisme moraliste et la lecture traditionnelle aveugle. En clair : entre ceux qui condamnent le sujet car jugé sexiste et ceux qui n’y voient qu’un défi artistique.

En attendant, l’heure est à la recontextualisation. En commençant par les musées, dont «la fonction pédagogique» est essentielle, pointe Jérôme Delaplanche. (...)

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