"Arrogance", "grand déclassement"... Ce que disait Michel Barnier d'Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a nommé Michel Barnier pour succéder à Gabriel Attal au poste de Premier ministre. Depuis 2017, l'ancien ministre et commissaire européen de droite a pourtant critiqué à de nombreuses reprises la politique du chef de l'État.
Près de deux mois après les élections législatives, le choix d'Emmanuel Macron s'est arrêté, ce jeudi 5 septembre, sur Michel Barnier. L'ex-commissaire européen de droite va ainsi succéder à Gabriel Attal au poste de Premier ministre. Selon l'Élysée, le chef de l'État s'est assuré que le prochain gouvernement "réunisse les conditions pour être le plus stable possible".
Il a donc fallu 60 jours à Emmanuel Macron pour acter son choix, après avoir envisagé plusieurs noms, de Bernard Cazeneuve à gauche à Xavier Bertrand à droite, en passant par le président du Conseil économique, social et environnemental Thierry Beaudet pour la "société civile".
Si Michel Barnier a, à plusieurs reprises, été vu comme "Macron-compatible", l'ancien négociateur en chef de l'Union européenne n'a pas toujours été tendre avec le président.
• La dissolution, un "moment Frexit"
D'abord, récemment, Michel Barnier avait émis des réserves quant à la décision d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale, qu'il avait qualifiée de "pari très risqué".
"Nous devons être très prudents quant à ce qui pourrait se produire en France", avait-il déclaré au Telegraph, appelant les Français à "regarder ce qui s'est passé au Royaume-Uni depuis le Brexit".
Selon lui, Emmanuel Macron a déclenché en France un "moment Frexit".
• Le macronisme "a vocation à disapraître"
Michel Barnier s'est également plusieurs fois montré très critique à l'égard du macronisme. Après les résultats des élections législatives de 2022, où le camp présidentiel a perdu sa majorité absolue à l'Assemblée nationale, Michel Barnier soutenait que "le macronisme, ce pouvoir central adepte du 'en même temps' qui a voulu tout effacer entre lui et les extrêmes, a vocation à disparaître en 2027".
"La stratégie choisie par Emmanuel Macron depuis sept ans, consistant à créer un bloc central nébuleux et à faire le vide sur sa droite comme sur sa gauche, a conduit à une disparition des partis de gouvernement. Le 'en même temps' ne peut pas être une réponse à l'insécurité publique", disait-il également l'année suivante auprès du Figaro.
Plus récemment encore, celui qui a été ministre à plusieurs reprises dans des gouvernements de droite estimait qu'"au lendemain des élections européennes, sera le premier jour du reste de la macronie".
Selon Michel Barnier, "l'une des caractéristiques d'Emmanuel Macron est de vouloir choisir ses opposants. C'est un signe de grande fébrilité de sa part. Lors des précédents scrutins, il a échoué".
En 2022 en tout cas, le Républicain excluait "totalement" l'idée de rejoindre le camp d'Emmanuel Macron. "Les tentatives de débauchages ou de ralliements individuels sont dérisoires et inutiles. Cela n'a aucune actualité. Le débauchage a pu se révéler tactiquement habile en cherchant à éliminer les deux grandes forces sociale-démocrate et centre droit, il est politiquement dangereux", expliquait-il auprès du Figaro.
En outre, Michel Barnier affirmait ne pas être candidat aux élections européennes pour "renouveler les visages et rajeunir les idées".
• La manière de diriger le pays, "solitaire" et "arrogante"
Depuis le premier mandat d'Emmanuel Macron, le désormais nouveau Premier ministre a déploré la "méthode" du chef de l'État et sa manière d'exercer le pouvoir. À de nombreuses reprises, Michel Barnier a estimé que le président de la République travaillait de manière "trop solitaire", manquant d'"humilité", étant même parfois "arrogant".
La "gestion de ce pays" devrait être "moins solitaire, moins arrogante". "Rien n'oblige, sous la Ve République, le président (…) à agir seul, à parler tout seul", disait-il ainsi au Figaro en 2021.
Alors qu'il était candidat de la droite aux primaires pour l'élection présidentielle de 2022, Michel Barnier estimait que lors du premier quinquennat, "notre pays n'a pas été bien gouverné: le président doit présider, le gouvernement doit gouverner, le Parlement doit être écouté et respecté. Il faut qu'il y ait de la confiance entre les maires, les départements, les régions et le pouvoir exécutif et que chacun soit à sa place". Michel Barnier a souvent affirmé que les partenaires sociaux n'étaient pas suffisamment écoutés et considérés.
Après les élections de 2022, il appelait la macronie à "montrer qu'ils ont compris" et à passer "de la culture de l'arrogance à la culture du compromis", dénonçant un "gouvernement vertical".
"Il faut connaître et aimer les Français et la France, son histoire et sa géographie. Il faut les respecter et faire respecter la France. Le président sortant n’a pas su faire tout cela. Ce n'est pas à l’Élysée que l’on apprend", fustigeait-il.
• Les politiques menées, un "grand déclassement"
Au-delà de la forme, Michel Barnier a parfois eu des critiques acerbes envers les politiques menées par le camp présidentiel. Il a notamment déploré le "grand déclassement de la France", estimant que "l'influence française, en France et dans le monde a reculé avec Emmanuel Macron".
Lors de sa campagne de 2021, il déplorait, par exemple, "le saccage de la politique familiale par les présidents Hollande et Macron".
Selon Michel Barnier, Emmanuel Macron "oublie" des sujets importants dans sa politique. Le nouveau Premier ministre mentionne notamment la ruralité, les questions d'immigration, la sécurité ou encore les personnes porteuses d'un handicap. "(LR) a fait des propositions intéressantes (sur ce sujet, NDLR) et on nous a claqué la porte au nez, tout cela les Français n'en veulent plus", citait-il par exemple.
Sur Franceinfo, en 2022, le nouveau Premier ministre tenait Emmanuel Macron pour "responsable de l'effondrement de notre commerce extérieur, de l'explosion de notre dette et de notre déficit, du chômage, de l'insécurité…".