Argentine: Les proches des marins disparus ont perdu tout espoir

par Hugh Bronstein et Nicolás Misculin

BUENOS AIRES (Reuters) - Les familles des 44 marins argentins disparus depuis neuf jours à bord du sous-marin San Juan ont perdu tout espoir de revoir les leurs vivants et ont commencé vendredi à quitter la base navale de Mar del Plata, au sud de Buenos Aires, pour rentrer chez eux.

La marine argentine a révélé jeudi qu'un bruit anormal, pouvant correspondre à une explosion, avait été enregistré dans l'Atlantique Sud à peu près au moment où le sous-marin a émis son dernier signal.

Les recherches se poursuivent cependant à environ 480 km des côtes, avec une trentaine de navires et d'avions et quelque 4.000 hommes, dont des Russes, des Britanniques, des Chiliens et des Brésiliens venus prêter main forte à leurs camarades argentins.

"Tant que nous n'aurons pas retrouvé le sous-marin, tant que nous ne saurons pas ce qui s'est passé, nous ne pourrons rien dire d'autre aux familles", a déclaré vendredi le porte-parole de la marine, Enrique Balbi.

Le président Mauricio Macri a convoqué une conférence de presse pour assurer que les recherches allaient se poursuivre. Il a dit espérer que le sous-marin serait localisé dans les prochains et promis qu'une enquête "sérieuse et approfondie" serait menée pour comprendre ce qui a pu arriver.

"Cela signifie qu'il nous faudra comprendre comment un sous-marin qui avait fait l'objet d'une révision complète et qui était en parfait état de navigation a apparemment connu cette explosion", a déclaré le chef de l'Etat.

La disparition du submersible a soulevé un début de polémique en Argentine, où les partisans de Mauricio Macri et l'opposition péroniste de l'ex-présidente Cristina Fernandez se reprochent mutuellement d'avoir réduit, ou pas assez augmenté, le budget de l'armée.

Les proches des marins disparus étaient arrivés lundi à la base de Mar del Plata, que le submersible devait rejoindre après sa mission.

"ILS ONT TUÉ MON FRÈRE !"

"La vérité, c'est que je n'ai plus d'espoir de les voir revenir", a déclaré vendredi Maria Villareal, mère d'un des membres d'équipage.

Certains proches veulent rester à Mar del Plata jusqu'à ce que le sous-marin soit retrouvé, comme Silvina Krawczyk, soeur d'Eliana Maria Krawczyk, première femme officier argentine à servir sur un sous-marin et qui figure parmi les disparus.

D'autres ont mis en cause la vétusté du sous-marin, construit il y a 34 ans dans un chantier allemand, et la qualité de son entretien. Le San Juan avait fait l'objet une révision complète en Argentine en 2008.

"Ils ont tué mon frère !", a crié un homme en quittant en voiture la base navale.

A propos du bruit enregistré le 15 novembre, Enrique Balbi a parlé jeudi d'"un événement anormal, singulier, court, violent, non nucléaire, compatible avec une explosion".

Cette possible déflagration s'est produite dans la zone de la dernière position connue du San Juan, a-t-il précisé.

La piste d'une explosion avait déjà été soulevée mercredi par une agence fédérale des Etats-Unis qui a évoqué une "anomalie hydroacoustique" observée le 15 novembre dans un secteur proche de l'endroit d'où le sous-marin a émis ce jour-là son ultime signal.

L'Organisation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBTO) a confirmé avoir capté le 15 novembre dans cette zone de l'Atlantique Sud un "signal inhabituel" qui pourrait avoir été provoqué par une explosion.

Le ministère russe de la Défense a envoyé un navire de recherches océanographiques pour participer aux opérations de secours. Le navire est équipé de deux véhicules sous-marins à hélices capables de sonder les fonds marins à une profondeur de 6.000 mètres.

La marine argentine indiquait mercredi que la situation pour l'équipage du sous-marin devenait "critique" car les réserves en oxygène du submersible étaient d'environ une semaine.

(Avec Walter Bianchi à Mar del Plata et Maximiliano Rizzi à Buenos Aires; Pierre Sérisier, Guy Kerivel et Tangi Salaün pour le service français)