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Arbitraire

Marine Le Pen propose d’expulser de France les suspects d’islamisme figurant sur les fichiers de la police. Cette proposition rencontrera sans doute l’approbation d’une partie de l’opinion, qui y verra une mesure de bon sens. Elle appelle pourtant une ou deux remarques. Dans le cas du Thalys, son efficacité rétrospective est douteuse. Elle se ramène à une question fort épineuse : comment expulser de France un terroriste… qui se trouve déjà à l’étranger ? L’idée lepénienne, dans ce cas précis, quoique martiale à souhait, se rapproche plus de l’héritage d’Alphonse Allais que de Georges Clemenceau. Bien entendu, la présidente du Front national parlait surtout pour l’avenir. L’ennui, c’est que sa proposition contredit les principes du droit en démocratie, sans être pour autant efficace. Le fichier «S» n’est pas un fichier de délinquants, mais un fichier de surveillance. Expulser ceux qui y figurent reviendrait à exercer un droit discrétionnaire sans aucune intervention de la justice. On doute que le Conseil constitutionnel l’autorise… Quant aux terroristes, expulsés et non plus surveillés, ils seraient encore plus difficiles à localiser.

Cette mise au point implique-t-elle qu’on reste les bras ballants face à la menace ? Certainement pas. C’est au contraire le renforcement de la surveillance, le traitement rapide et pertinent des informations réunies, l’augmentation des moyens d’infiltration et de réplique, l’intensification de la coopération à l’échelle du continent qui donnent les véritables pistes de lutte antiterroriste. L’instauration de l’arbitraire et la limitation des libertés contredisent nos propres valeurs et ne sont guère productives. Elles sont, de surcroît, autant de concessions faites à la stratégie de la terreur mise en œuvre par les assassins du jihad. Comme toujours, l’outrance est mauvaise conseillère.



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