Au moins 20 morts et des otages dans un hôtel au Burkina Faso

Des islamistes présumés ont tué au moins une vingtaine de personnes et en ont pris plusieurs autres en otages vendredi soir dans l'hôtel Splendid, établissement du centre de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. /Photo prise le 15 janvier 2016/REUTERS/Ludivine Laniepce

par Mathieu Bonkoungou et Nadoun Coulibaly OUAGADOUGOU (Reuters) - Des islamistes présumés ont tué au moins une vingtaine de personnes et en ont pris plusieurs autres en otages vendredi soir dans un hôtel du centre de Ouagadougou très fréquenté par les Occidentaux, ont annoncé les autorités du Burkina Faso et le directeur d'un hôpital. L'attaque lancée en début de soirée contre l'hôtel Splendid, un établissement fréquenté par des étrangers situé dans le quartier des affaires de la capitale burkinabè, a été revendiquée par Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), rapporte l'organisation SITE, spécialisée dans la surveillance des réseaux islamistes. Le directeur de l'hôpital universitaire de Ouagadougou a déclaré tôt samedi matin que des blessés soignés dans son établissement avaient dit avoir vu au moins une vingtaine de corps dans l'hôtel et ses environs. Le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Alpha Barry, avait parlé un peu plus tôt de "plusieurs morts" et indiqué que les forces de l'ordre se préparaient à donner l'assaut contre les islamistes présumés retranchés à l'intérieur avec des otages. La nationalité des victimes et des otages n'a pour le moment pas été précisée. Alpha Barry a précisé à Reuters qu'un appui des forces spéciales françaises n'était pas exclu au moment de l'assaut contre l'hôtel Splendid, où une nouvelle fusillade a éclaté vers 00h40 GMT, après une accalmie d'une heure. Un responsable de l'armée américaine a déclaré de son côté que Paris avait sollicité l'aide des moyens de surveillance et de reconnaissance des Etats-Unis. L'hôtel de cinq étages est parfois fréquenté par les militaires français de l'opération Barkhane, force basée au Tchad et dont la mission est la lutte contre les groupes armés djihadistes au Sahel. AU MOINS TROIS ASSAILLANTS Les assaillants, qui seraient au moins trois et porteraient des turbans, selon des témoins, ont fait irruption en début de soirée dans l'hôtel et ont également mitraillé le restaurant Capuccino, lui aussi prisé des étrangers, situé de l'autre côté de la rue. "Nous venions d'ouvrir quand nous avons entendu des tirs... Il y avait trois hommes qui tiraient en l'air", a raconté un employé du restaurant, Vital Nounayon. "Beaucoup de gens ont abandonné leurs voitures et leurs motos et ont pris la fuite. Ils (les assaillants) ont incendié les voitures. Ils ont aussi ouvert le feu sur le restaurant Capuccino, en face de l'hôtel, avant d'y mettre le feu", a-t-il ajouté. Deux voitures ont explosé et une violente fusillade a éclaté à l'arrivée des forces de l'ordre, a constaté un journaliste de Reuters. Les assaillants se sont ensuite retranchés dans l'hôtel avec leurs otages et les forces de l'ordre s'efforcent de déterminer leur nombre avant de donner l'assaut, a déclaré un officier de la gendarmerie nationale, qui a requis l'anonymat. Le couvre-feu a été décrété de 23h00 GMT à 06h00 GMT, a indiqué l'ambassadeur de France à Ouagadougou, Gilles Thibault, sur son compte Twitter. L'ambassade de France a mis en place une cellule de crise pour ses 3.500 ressortissants vivant au Burkina Faso et les a appelés à rester chez eux. PREMIÈRE ATTAQUE ISLAMISTE À OUAGADOUGOU Si la piste d'Al Qaïda se confirme, ce serait la première fois qu'un groupe islamiste mène une attaque à Ouagadougou. Dans son communiqué, Aqmi précise que l'attentat est l'oeuvre d'une de ses filiales, Al Mourabitoune, un groupe dirigé par le djihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar qui avait déjà co-revendiqué le mois dernier l'attaque contre l'hôtel Radisson de Bamako, au Mali. Le Burkina Faso a connu des moments troublés depuis le renversement, en octobre 2014, du président Blaise Compaoré à l'occasion d'un soulèvement populaire, mais, à la différence du Mali voisin, le pays, dont la population est à 60% musulmane, avait jusqu'à présent été largement épargné par les violences islamistes. Cette attaque représente un défi pour le nouveau président burkinabè, Roch Marc Kaboré, élu en novembre 2015, qui a nommé mercredi un gouvernement de 30 membres, parmi lesquels une série de nouvelles têtes marquant une rupture avec l'ère Compaoré. En décembre, l'ambassade de France a recommencé à ses ressortissants d'éviter de se rendre dans l'est du Burkina Faso après des informations selon lesquelles des djihadistes maliens menaçaient d'enlever des étrangers. En mai 2015, le groupe islamiste Al Mourabitoune avait indiqué détenir un ressortissant roumain enlevé en avril dans une mine du nord du Burkina Faso. En octobre dernier, une cinquantaine d'hommes armés ont attaqué une brigade de gendarmerie près de la frontière malienne, faisant trois morts. Le gouvernement de l'époque avait imputé cette attaque aux dirigeants d'un coup d'Etat manqué mené le mois précédent par des membres du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Les groupes islamistes ont mené un certain nombre d'attaques dans les Etats d'Afrique de l'Ouest frontaliers du Sahel ces dernières années. (Nadoun Coulibaly et Mathieu Bonkongou; Danielle Rouquié et Tangi Salaün pour le service français)