Après le vote de la censure, que retiendra-t-on des trois mois passés par Michel Barnier à Matignon ?
POLITIQUE - Recalé au premier trimestre. Renversé par l’Assemblée nationale ce mercredi 4 décembre, le Premier ministre Michel Barnier doit faire ses valises. Une première depuis 1962 : c’est seulement la deuxième fois sous la Ve République que les députés font tomber un gouvernement. Nommé le 5 septembre, l’ex-négociateur du Brexit n’aura eu que très peu de temps pour imprimer sa marque, se concentrant sur la préparation du budget et une liste de promesses qui ne verront mécaniquement jamais le jour.
La censure de Michel Barnier était inévitable, voici pourquoi
Sur France Inter, l’un des conseillers de Michel Barnier a d’ailleurs reconnu qu’il était « compliqué » de dresser un bilan des trois mois écoulés, soulignant qu’au-delà de quelques « bricoles », il n’était pas possible de tracer les contours précis d’un cap politique.
Ses ministres, dont la plupart sont restés inconnus aux yeux des Français, ne laisseront pas davantage une trace indélébile dans l’histoire récente. Qui se souviendra de Clara Chappaz (Numérique), de Thani Mohamed Soilihi (Francophonie) ou de Françoise Gatel (Ruralité) ? Au-delà des individualités, c’est leur action politique en un temps si restreint qu’il est impossible d’analyser. Confronté à une absence de majorité à l’Assemblée nationale, nommé dans des circonstances exceptionnelles, alors que le parti auquel il appartient n’a réalisé que 6,5 % des voix au premier tour des élections législatives, Michel Barnier aura été le Premier ministre le plus éphémère depuis 1958, avec moins de 100 jours à son actif à Matignon.
Sur le fond, c’est le projet de loi de finances qui aura occupé l’essentiel de son temps ces dernières semaines. Celui qui avait qualifié la situation budgétaire de « très grave » en prenant son poste aura bataillé pour faire des économies à hauteur de 60 milliards d’euros en 2025, via 20 milliards d’euros de hausses d’impôts et 40 milliards de baisses des dépenses publiques. C’est moins là une réaction au « dérapage budgétaire » hérité de ses prédécesseurs qu’un véritable marqueur politique.
Un Premier ministre « old school »
Hors budget, le 25 novembre, il avait présenté un plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, proposant notamment d’élargir le dispositif de dépôt de plainte dans les hôpitaux ou de créer une maison des femmes dans chaque département. Mais il n’aura eu le temps ni de mettre en œuvre ces mesures, ni de mesurer l’effet de leur application. Autre dossier sur lequel il s’était engagé : la lutte contre le narcotrafic. En lien avec Didier Migaud (Justice) et Bruno Retailleau (Intérieur), Michel Barnier défendait le renforcement des moyens humains dans le crime organisé et la mise en place d’une cellule de coordination nationale « chargée de dresser un état de la menace, fixer une stratégie opérationnelle et de la mettre en œuvre ». Mais là encore, sans pouvoir l’accompagner jusqu’à son terme.
C’est peut-être plutôt par le prisme du « style Barnier » ou de la « méthode » qu’il est plus intéressant de regarder les trois mois écoulés. À 73 ans, il a été le Premier ministre le plus vieux de la Ve République, cultivant une image d’homme parfois « old school », qui assume de faire de la politique à l’ancienne, loin des polémiques Twitter. Une attitude qui tranche avec le « nouveau monde » vanté par Emmanuel Macron lors de son élection en 2017.
Le 3 décembre, face au brouhaha d’une partie de l’hémicycle, Michel Barnier a même endossé le costume du vieux sage, regrettant que l’Assemblée « ait bien changé ». Et pour cause : il l’a connue dès 1978, comme député de Savoie. Son style a aussi marqué une rupture nette avec celui de Gabriel Attal qui, du haut de ses 35 ans, se faisait fort d’avoir insufflé un vent de jeunesse et de renouveau sous les ors de Matignon en participant à de multiples débats télévisés ou en alimentant quotidiennement le réseau social BeReal. Michel Barnier, lui, rejette « l’hypercommunication » et se voit comme « un montagnard » qui franchit « les étapes les une après les autres », « sans esbroufe ». Un pedigree qui n’aura visiblement pas suffi à convaincre les oppositions du bien-fondé de sa démarche.
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