Publicité

Après l'électrochoc, la droite se déchire sur sa ligne

Les Républicains ont appelé lundi soir à voter le 7 mai "pour faire battre Marine Le Pen" au second tour de l'élection présidentielle, s'abstenant d'un soutien explicite à Emmanuel Macron dans un débat interne à vif sur la ligne à adopter après l'élimination de François Fillon. /Photo prise le 23 Avril 2017/REUTERS/Christian Hartmann

par Emile Picy et Sophie Louet PARIS (Reuters) - Les Républicains ont appelé lundi soir à voter le 7 mai "pour faire battre Marine Le Pen" au second tour de l'élection présidentielle, s'abstenant d'un soutien explicite à Emmanuel Macron dans un débat interne à vif sur la ligne à adopter après l'élimination de François Fillon. Au lendemain d'un premier tour cauchemardesque pour la droite, le candidat déchu s'est rendu devant le bureau politique de LR pour tirer sa révérence et transmettre le relais à sa famille politique en vue des législatives, soulignant ne plus avoir "la légitimité" pour mener ce nouveau combat électoral. "Je vais redevenir un militant de coeur parmi les autres. Je vais devoir penser ma vie autrement, panser aussi les plaies de ma famille", a-t-il dit devant les quelque 80 membres du bureau, lisant une déclaration d'une voix parfois émue, selon des participants. "J'ai la certitude que les Républicains peuvent obtenir un score favorable qui sera utile à la France. Pour cela, je vous invite à rester unis et à ne pas vous disperser dans des combinaisons préélectorales", a-t-il ajouté avant de souhaiter bon courage aux Républicains, sous des "applaudissements polis", et de quitter le siège du parti. La chute de François Fillon, avec 20,01% des voix, a relancé dès dimanche soir la bataille idéologique entre modérés et "droitiers" en vue des législatives de juin, dont certains attendent un sursaut, voire une cohabitation. "L'ABSTENTION NE PEUT ÊTRE UN CHOIX" Dans cette journée de discussions, parfois âpres, aux accents de règlements de comptes envers la ligne radicale de François Fillon, les Républicains ont affiché leurs divisions sur la conduite à tenir face à l'extrême droite malgré la consigne du candidat de voter, "pas de gaieté de coeur", pour le candidat d'En Marche!. Le président du Sénat Gérard Larcher, qui a réuni le comité politique de LR lundi matin pour arrêter "une position claire et de rassemblement", a tenté sans succès de désamorcer les escarmouches qui ont finalement éclaté en bureau politique. Entre les partisans du "front républicain", qui invitent comme François Fillon et Alain Juppé à voter Emmanuel Macron, ceux qui, comme Laurent Wauquiez, appellent à "ne pas voter pour Marine Le Pen", ceux qui comme "Sens commun" ou Eric Ciotti refusent de se prononcer, et ceux qui défendent encore le "ni ni", ni FN ni front républicain, en d'autres mots l'abstention. Pour préserver l'unité du parti, le bureau politique a décidé d'adopter par consensus, mais sans vote, une déclaration appelant à "voter contre Marine Le Pen pour la faire battre au second tour de l'élection présidentielle". "Face au Front national, l'abstention ne peut être un choix", peut-on lire. "Nous engagerons dès demain la campagne des législatives avec notre projet d'alternance, le seul capable de redresser la situation de la France", ajoute LR. Le sarkozyste Christian Jacob, chef de file des députés LR, est chargé d'établir "une direction de campagne" pour les législatives, tandis qu'Eric Woerth, autre soutien de l'ancien chef de l'Etat, se chargera du projet, qui devrait être une version amendée et "recentrée" du programme de François Fillon. "François Baroin tient la corde pour diriger la campagne", a-t-on dit à Reuters de source proche de la direction de LR. Le secrétaire général de LR, Bernard Accoyer, a souligné par la suite devant la presse que cette ligne ne "cadrait pas" avec une participation active à la campagne d'Emmanuel Macron et que toute négociation avec le favori des sondages était exclue. DÉBAT SUR LA LIGNE Une trentaine d'élus LR, partisans d'Alain Juppé et de Bruno Le Maire notamment, ont signé lundi un communiqué commun dans lequel ils appellent à aider Emmanuel Macron pour éviter la "catastrophe économique et sociale" que représenterait l'extrême droite au pouvoir. Plusieurs membres du bureau politique, tels Christian Estrosi, Pierre Lellouche et Nadine Morano, ont exprimé leur désapprobation face à l'absence de vote. "Voter aurait conduit à nous diviser", a affirmé Bernard Accoyer devant la presse. Nathalie Kosciusko-Morizet a regretté dans un communiqué que LR n'ait pas "validé une position plus claire". "Le communiqué publié est un pis-aller", estime-t-elle. Jean-François Copé a expliqué que les mots n'avaient pas été dits "pour respecter les différentes sensibilités." Alain Juppé, qui n'a pas participé aux réunions, a invité lundi sur son blog Emmanuel Macron à "réussir le large rassemblement des Français(es)". Le maire de Bordeaux a estimé lundi matin devant des journalistes que l'échec de la droite tenait à "la personnalité" de François Fillon mais aussi à sa ligne politique. "La question est de savoir si demain il y aura à droite une composante humaniste, libérale et européenne qui pourra peser pleinement de son poids", a-t-il dit. Le "sarkozyste" Gérald Darmanin a mis en cause un "rétrécissement" de la ligne sur les "seules bases bourgeoises et conservatrices". Christian Estrosi a dénoncé une "campagne totalement dénaturée par ceux qui parmi les proches de François Fillon ont essayé de radicaliser". La campagne des législatives ne peut se faire sur "des valeurs étriquées", a estimé pour sa part sur RMC Thierry Solère, soutien de Bruno Le Maire pour la primaire. "Je persiste à penser que notre ligne politique (...) répond aux attentes d'une large partie des Français", a répliqué François Fillon devant le bureau politique. (Avec Myriam Rivet, édité par Yves Clarisse)