Après le drame de Calais, Macron et Johnson se renvoient la balle

Gérald Darmanin, ici lors d'une visite à Chambord durant l'été 2020, renvoie la balle à l'Angleterre après le drame de Calais. (Photo: POOL New via Reuters)
Gérald Darmanin, ici lors d'une visite à Chambord durant l'été 2020, renvoie la balle à l'Angleterre après le drame de Calais. (Photo: POOL New via Reuters)

IMMIGRATION - Le problème des traversées illégales de la Manche est “international”, et parmi ceux qui doivent prendre leurs responsabilités, il y a la Grande-Bretagne, tance le gouvernement français. Au lendemain du naufrage dramatique qui a causé la mort de 27 personnes près de Calais, le ton s’est un peu crispé entre Paris et Londres, qui s’accusent mutuellement de ne pas en faire assez sur l’immigration illégale.

Selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, il y a environ 1000 migrants à Calais qui espèrent rejoindre l’Angleterre et autant à Dunkerque et Grande-Synthe. Certains ont fui leur pays pour des raisons de sécurité, d’autres parce qu’ils espèrent retrouver un semblant de vie normale ailleurs. Ailleurs, et plus précisément en Angleterre, que Gérald Darmanin juge trop “attractive”.

Les raisons? Tout d’abord une “mauvaise gestion de l’immigration”, avec des expulsions encore insuffisantes au regard des arrivées, selon le ministre. En Grande-Bretagne, il y a “6000 personnes expulsées par an. C’est quatre fois moins que la France alors (...) qu’il y a deux fois plus d’immigrés clandestins”, a assuré Gérald Darmanin au micro de RTL ce jeudi 25 novembre.

Avant de s’en prendre au “marché du travail” britannique, qui favorise selon lui l’emploi des personnes arrivées illégalement. ”Chacun sait qu’il y a plus d’un million d’immigrés clandestins en Grande-Bretagne et que le patronat anglais utilise cette main-d’œuvre”, a-t-il ajouté, appelant le gouvernement de Boris Johnson à “réformer” et à inciter “le patronat” à être “tout aussi patriote que le gouvernement conservateur au pouvoir.”

“Nous disons à nos amis belges, allemands, anglais qu’ils doivent nous aider”, a insisté le ministre qui estime que “60-70%” des migrants en attente sur les côtes françaises viennent de Belgique, et transitent par l’Allemagne et les Pays-Bas. “La Grande-Bretagne et la France doivent travailler ensemble. Nous devons arrêter d’être les seuls à lutter contre les passeurs”, a-t-il réclamé.

Ne pas “instrumentaliser” un drame

Un reproche que l’on retrouve aussi... côté anglais. Sur Sky News mercredi soir, Boris Johnson a déclaré que les efforts face à la crise migratoire n’avaient pas été “suffisants”, disant avoir “eu des difficultés à persuader certains de (ses) partenaires, en particulier les Français, d’agir à la hauteur de la situation”.

La remarque n’a bien évidemment pas plu à l’Élysée qui a réagi ce jeudi. Emmanuel Macron a “fait savoir” à Boris Johnson lors d’un entretien téléphonique “qu’il attendait des Britanniques qu’ils coopèrent pleinement et qu’ils s’abstiennent d’instrumentaliser une situation dramatique à des fins politiques”, a indiqué le palais.

“Le Président de la République a insisté sur la nécessité d’agir dans la dignité, dans le respect et dans un esprit de coopération efficace s’agissant de vies humaines”, a ajouté la présidence française.

Gérald Darmanin et son homologue britannique Priti Patel doivent échanger ce jeudi à ce sujet, et une réunion interministérielle présidée par Jean Castex s’est déroulée dans la matinée, sans qu’aucune information n’en ressorte.

La proposition de Londres d’organiser des patrouilles de police communes sur la côte française longeant la Manche est à ce stade restée sans réponse. Jusqu’ici, l’idée était rejetée par Paris pour une question de souveraineté.

5 passeurs arrêtés après le naufrage à Calais

Le naufrage du 24 novembre au large de Calais est le plus meurtrier depuis 2018. Quatre passeurs présumés avaient été arrêtés mercredi en fin d’après-midi, et un cinquième dans la nuit de mercredi à jeudi. Tous sont soupçonnés d’avoir un lien avec la tragédie.

Selon Gérald Darmanin, interrogé sur RTL, le cinquième passeur arrêté cette nuit avait “une plaque d’immatriculation allemande”. Il avait “acheté des zodiacs en Allemagne”, a-t-il ajouté, insistant de nouveau sur le besoin d’une coopération européenne.

À ce stade, les circonstances du drame demeurent floues. Parmi les victimes figurent 17 hommes, sept femmes et trois jeunes, ainsi que deux survivants, selon la procureure de Lille. Il y aurait un adolescent et 3 enfants parmi les victimes, a précisé une source policière.

Les deux survivants, un Irakien et un Somalien, étaient en “grave hypothermie hier” mais “un peu mieux aujourd’hui”, a poursuivi jeudi le ministre, précisant qu’ils allaient être rapidement entendus. Une enquête a été ouverte par la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Lille.

Lors d’un entretien dans la soirée, Boris Johnson et Emmanuel Macron “ont convenu de l’urgence d’intensifier les efforts conjoints pour empêcher ces traversées mortelles”, selon un porte-parole de Downing Street. “La France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière”, a réagi de son côté le président français, réclamant “une réunion d’urgence des ministres européens”.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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