Le geste terroriste écarté pour les agressions de Dijon

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a appelé lundi à la prudence dans l'interprétation de l'agression de 13 piétons par un automobiliste dimanche à Dijon, qui a elle-même suivi une attaque à l'arme blanche dans un commissariat. /Photo prrise le 24 juillet 2014/Benoît Tessier

DIJON, Côte-d'Or (Reuters) - L'automobiliste qui a blessé 13 piétons dimanche soir à Dijon (Côte d'Or) est un déséquilibré qui n'avait pas de motivations terroristes, même s'il dit avoir agi en pensant aux enfants de Palestine ou de Tchéchénie, a déclaré lundi le parquet. Cet homme de 40 ans, qui a effectué 157 passages en psychiatrie en une dizaine d'années, sera présenté mardi à la justice pour tentatives d'assassinat, a déclaré Marie-Christine Tarrare, procureur de la République de Dijon. "Cette dramatique affaire est l'oeuvre d'un déséquilibré et il ne s'agit absolument pas d'un acte terroriste", a-t-elle dit lors d'une conférence de presse. Huit personnes fauchées par l'automobiliste dans plusieurs rues de Dijon étaient toujours hospitalisées lundi mais leur vie n'est pas en danger. Des témoins ont affirmé qu'avant d'être interpellé, cet homme né en France d'une mère algérienne et d'un père marocain avait crié "Allahou Akbar" (Dieu est grand) et revendiqué son geste en pensant aux enfants de Palestine. Les autorités n'ont toutefois pas lié son acte à celui de l'homme abattu samedi à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) par des policiers qu'il avait agressés à l'arme blanche en criant lui aussi "Allahou Akbar". Marie-Christine Tarrare a indiqué que l'homme gardé à vue à Dijon avait "reconnu parfaitement" les faits, tout en jugeant ses motivations "floues et peu cohérentes". PSYCHOSE A DÉLIRE MYSTIQUE Lors de son interpellation, l'homme a d'abord dit avoir agi "pour réagir au traitement qui pourrait être fait aux enfants de Palestine", a-t-elle dit. Puis il a expliqué, alors qu'il regardait une émission de Noël à la télévision, "avoir été pris d'une bouffée d'empathie pour les enfants de Tchétchénie et pour la manière dont les Tchétchènes étaient victimes de tortures". Il aurait alors voulu s'en prendre à l'Etat français, envisageant de viser des policiers ou des militaires, mais serait passé devant le commissariat de la ville sans passer à l'acte, préférant s'en prendre à des piétons. L'homme a reconnu avoir crié "Allahou Akbar" pour se "donner du courage" et pour "annihiler tout esprit critique". Marie-Christine Tarrare a insisté sur son lourd passé psychiatrique, précisant qu'il souffrait d'une "psychose ancienne à délire mystique" et qu'il était un ancien toxicomane. Après les événements de Joué-lès-Tours et de Dijon, François Hollande a appelé à "ne pas céder à la panique" tout en faisant preuve d'une "extrême vigilance", a déclaré le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, à l'issue du conseil des ministres. Nathalie Goulet, sénatrice de l'Orne et présidente de la commission d'enquête sur la lutte contre les réseaux djihadistes, a elle aussi appelé à "garder la tête froide" et à "se garder des amalgames". "Comment faire la différence entre un illuminé, instable, déséquilibré et un vrai terroriste ? Un cri d'Allah Akbar fait-il le terroriste ?", demande-t-elle dans un communiqué où elle met en garde contre "la course à l'information". Pour Nathalie Goulet, la détection précoce d'une islamisation radicale doit être une priorité. "Le tout sécuritaire est insuffisant, l'inventaire des mesures existantes, 14 lois antiterroristes en 20 ans, et de l'évolution des technologies en sont la preuve et l'équation ne trouve pas sa solution dans l'invective ou le tout répressif", explique-t-elle. Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé samedi soir un renforcement des mesures de sécurité des personnels au sein des services de police et des unités de gendarmerie comme sur la voie publique. (Antony Paone, avec Gérard Bon à Paris, édité par Yves Clarisse)