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"Apocalypse nucléaire" : Poutine est-il aussi proche d'utiliser l'arme nucléaire que le suggère Biden ?

Joe Biden lors d'un événement du Comité national démocrate, le 23 septembre 2022 à Washington, aux États-Unis. - Samuel Corum / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Joe Biden lors d'un événement du Comité national démocrate, le 23 septembre 2022 à Washington, aux États-Unis. - Samuel Corum / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Plusieurs sources à Washington ont indiqué à CNN que les déclarations faites en petit comité par le président américain ne se basaient sur aucun nouveau renseignement.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, le président américain Joe Biden a tenu à se montrer particulièrement grave. À l'occasion d'une levée de fonds démocrate organisée dans un appartement new-yorkais, le locataire de la Maison Blanche a alerté sur un risque "d'apocalypse" nucléaire, qui n'a jamais été aussi grand depuis la crise des missiles à Cuba en 1962, a-t-il assuré.

Aucun nouveau renseignement

Mais ces menaces s'inscrivent-elles réellement dans une escalade irréversible des tensions, pouvant déboucher sur l'usage pour la troisième fois depuis 1945 de l'arme atomique ? Pour Lova Rinel, chercheuse en dissuasion nucléaire, les déclarations de Joe Biden, qui s'inscrivent dans la rhétorique nucléaire, sont à dissocier de ce qu'il se produit réellement sur le champ opérationnel, appelé "dialogue stratégique".

"Le dialogue stratégique, c'est la mise en œuvre militaire. Est-ce que les bombardiers sont armés par exemple ? Ce sont des discussions. Et les différentes autorités le confirment: on parle encore avec les autorités russes sur le sujet. À ce niveau-là, il n'y a donc pas d'augmentation de l'alerte nucléaire", a déclaré à BFMTV la chercheuse.

Après l'inquiétude provoquée par les propos de Joe Biden, la porte-parole de la Maison-Blanche Karine Jean-Pierre a dû procéder à une mise au point ce vendredi : "Nous n'avons pas de raison d'ajuster notre propre posture nucléaire stratégique, pas plus que nous n'avons d'indications que la Russie se prépare à utiliser de manière imminente des armes nucléaires".

Même son de cloche du côté de nombreux hauts responsables américains contactés par CNN. Sous couvert d'anonymat, ils ont tous assurés qu'aucun élément ne permettait d'avancer que Vladimir Poutine avait l'intention d'avoir recours au feu nucléaire, ni qu'il avait pris de dispositions en ce sens. Plusieurs hauts gradés ont même été surpris par le ton particulièrement grave employé jeudi soir par Joe Biden, alors qu'aucune nouvelle information n'est parvenue aux services de renseignement.

Inquiétude chez les Occidentaux

Mais les propos du président américain illustrent tout de même l'inquiétude qui monte dans les chancelleries occidentales. Et ceci pour plusieurs raisons. D'abord, car Vladimir Poutine a répété à maintes reprises depuis le début de l'invasion de l'Ukraine que la Russie n'hésiterait pas à utiliser toutes les armes à sa disposition si la situation venait à s'aggraver.

Actuellement, sur le champ opérationnel, l'armée de Moscou subit d'importants revers depuis le mois de septembre et le lancement d'une contre-offensive particulièrement efficace par l'armée ukrainienne. La reprise de Lyman, où des forces russes se sont laissées encercler, en témoigne.

De même, alors que le début de l'offensive en février était marqué par un front uni des élites russes derrière leur président, les premières voix discordantes commencent à se faire entendre. Selon le Washington Post, un très proche conseiller de Vladimir Poutine, se trouvant dans son premier cercle, lui aurait récemment indiqué que les choses n'allaient pas dans le bon sens. L'autocrate tchétchène Ramzan Kadyrov a de son côté suggéré l'emploi d'armes nucléaires stratégiques sur le champ de bataille pour débloquer la situation.

Vladimir Poutine peut-il décider seul ?

Un Vladimir Poutine acculé serait-il plus imprévisible ? Si l'on se fie à la doctrine nucléaire russe, l'utilisation de l'arme atomique ne peut se justifier que par une attaque mettant en danger l'existence même de la Fédération de Russie. Or, la situation actuelle en Ukraine ne met pas en danger l'existence du pays de Poutine, même si c'est à lui que revient de fixer la notion de "menace existentielle".

Reste également à savoir si selon le schéma décisionnel nucléaire russe, une simple décision de Vladimir Poutine suffit à initier une frappe. Du temps de l'Union soviétique, une telle décision devait se prendre de manière collégiale, en lien avec le ministre des armées et le chef d'état-major. Mais rien n'indique que ce principe a été conservé avec la chute de l'URSS.

Pour la chercheuse Lova Rinel, la situation actuelle est à analyser au regard de la stratégie nucléaire russe. "Cela fait partie de leur manière de s'exprimer. Vladimir Poutine, son entourage, passent leur temps à souffler le chaud et le froid. Ils jouent les pompiers pyromanes. Cela a un objectif : déstabiliser l'Otan, qui est l'ennemi de la Russie. Ils essaient de mettre le monde en tension, afin que l'on arrête les sanctions, et le soutien logistique à l'Ukraine. C'est un bras de fer dialectique nucléaire", juge la chercheuse.

Interrogé sur ce sujet à Prague, le président de la République Emmanuel Macron ne s'est pas inscrit dans les récents propos de Joe Biden, se refusant de faire de la "politique fiction".

Article original publié sur BFMTV.com

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