Antoine Armand a un argument osé pour contester l’emprise du RN sur le gouvernement

Le ministre de l’Économie accuse la gauche de vouloir voter la censure avec le RN. Son parti promettait de faire exactement la même chose contre la gauche.

Antoine Armand, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (Photo by Bertrand GUAY / AFP)
BERTRAND GUAY / AFP Antoine Armand, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (Photo by Bertrand GUAY / AFP)

POLITIQUE - « Aplomb excessif, effronterie, toupet ou hardiesse ». Ainsi le dictionnaire Larousse définit le terme « culot », qui semble donc plutôt correspondre à une déclaration faite ce mardi 24 septembre par le nouveau ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, Antoine Armand. Invité sur France inter, le nouveau locataire de Bercy a été interrogé sur la « surveillance » que compte exercer le RN sur l’exécutif.

Selon le ministre, cette situation ne résulte pas du choix fait par Emmanuel Macron qui, en faisant de la non-censurabilité son critère premier pour Matignon, a placé Michel Barnier à la merci du RN, mais en raison de la « trahison du front républicain », commis selon lui par le Nouveau Front populaire. « Nous avons été élus dans le cadre du front républicain, c’est notre histoire, notre héritage », a-t-il insisté, en déplorant le fait que le gouvernement soit « sous surveillance du RN et du NFP », qui menacent de faire tomber l’exécutif.

« Ce serait une motion de censure de l’extrême gauche, ou de la gauche, et du Rassemblement national, et ce serait aussi une trahison du front républicain, de la part de la gauche, de s’associer au RN », a-t-il insisté. Un argumentaire pour le moins osé si l’on regarde dans le rétroviseur. Car lorsque le NFP proposait de nommer Lucie Castets à Matignon, la Macronie promettait une censure immédiate. Avec, donc, les voix du RN. Autre élément à prendre en compte, c’est bien la censure promise par le camp présidentiel qui a permis au chef de l’État de refuser la candidate du NFP, au profit d’une personnalité issue de la droite.

Enfin, Antoine Armand oublie de préciser une donnée majeure lorsqu’il évoque le « front républicain » : le Premier ministre, Michel Barnier, est issu du seul parti (Les Républicains) qui a refusé de participer au barrage à l’extrême droite. Et comment pourrait-il en être autrement, au regard des prises de position de Bruno Retailleau, ministre (LR) de l’Intérieur, qui avait choisi de voter blanc lors du deuxième tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen en 2022, et dont les premiers mots place Beauvau visent surtout à brosser l’extrême droite dans le sens du poil ?

« Né avant la honte »

Sans surprise, cette inversion de responsabilité a fait bondir la gauche. « Renaissance avait barré la route de Matignon au Nouveau Front populaire en menaçant de voter la censure avec le RN ! Monsieur Armand ferait mieux de s’occuper de ses dossiers que donner des leçons de front républicain », s’est étranglé sur le réseau social X le député NFP Emmanuel Maurel. « Donc ce ministre de 33 ans ressenti 60 nous explique que son gouvernement est celui du Front républicain, sans la gauche qui l’a impulsé et porté, avec Bruno Retailleau à l’intérieur. Monsieur, j’espère pour la France que vous êtes meilleur en économie qu’en analyse politique », a renchéri l’eurodéputée PS Chloé Ridel, par ailleurs porte-parole du PS.

« Notre nouveau ministre de l’économie, élu grâce au front républicain, qui participe à un gouvernement emmené par le seul parti qui n’y a pas participé, et qui ne tient que par l’aval du RN, est assez mal placé pour donner des leçons de trahison », a également déploré sa collègue LFI Manon Aubry, qui estime que le ministre est « né avant la honte ». Professeur de science politique à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique (Cessp-CNRS), Frédéric Sawicki est tout aussi sévère avec le successeur de Bruno Le Maire : « Énième illustration du fait que quand une situation est injustifiable, on en est réduit à raconter n’importe quoi et à sombrer dans le ridicule orwellien ».

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