Anne Genetet, nouvelle ministre de l’Éducation : une "erreur de casting" ? Son passé à Singapour refait surface et fait réagir syndicats et politiques
Ancienne expatriée à Singapour dès 2005, Anne Genetet a dispensé divers conseils pour aider au recrutement d'employées de maison. Des conseils jugés douteux par les corps enseignant et politique, qui lui reprochent également son manque d’expérience.
C’est une des grandes "inconnues" du nouveau gouvernement Barnier. Anne Genetet, 61 ans, s’est vu attribuer le ministère de l’Éducation Nationale à la suite de Nicole Belloubet et d'Amélie Oudéa-Castéra, elle-même vivement critiquée tout au long de son mandat. Trois jours après sa prise de fonction, le passé d’Anne Genetet fait déjà fait couler beaucoup d’encre.
Originaire de Neuilly-sur-Seine, l’élue s’est installée en 2005, et pour de longues années, à Singapour avec ses quatre enfants. En 2017, elle devient élue macroniste de la 11ème circonscription des Français établis hors de France. Réélue en 2022 puis lors des législatives de l’été 2024, elle est également vice-présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale.
Spécialisée dans la relation "famille expatriée-employée de maison"
Diplômée en médecine et communication, la nouvelle ministre s’est rapidement fait critiquer pour son manque d’expérience dans le domaine de l’Éducation. Ces dernières décennies, Anne Genetet a exercé comme consultante pour diverses ONG, notamment sur le sujet des conditions de travail du personnel de maison – bien souvent originaire des Philippines et exerçant pour des familles occidentales expatriées à Singapour.
"J'avais été choquée, dès mon arrivée à Singapour, comme je visitais des maisons, de découvrir les conditions de vie et de travail des employés de maison. Certaines avaient leur chambre installée sous un escalier, n'ayant ni congés ni jours fériés", confiait-elle au Petit Journal en 2021.
La future ministre intervient comme médecin bénévole auprès d’employées de maison et, découvrant des situations de détresse, fonde sa propre société, la H.E.L.P agency. Selon le journal Marianne, elle propose entre autres de "former une employée de maison à la cuisine, d’inspiration française et asiatique, pour une mise en pratique immédiate au service d’une famille occidentale". Le tout pour trois heures, facturées 70 euros.
"Pas de remarque négative devant témoin", "trouver sa meilleure candidate" : les conseils troublants d’Anne Genetet
Mais ce n'est pas la seule formation dispensée par la docteure expatriée. Bien que son site ait été fermé en 2018, il est encore consultable via des archives et permet de voir qu'Anne Genetet proposait aussi une formation "Yes M’am!" permettant "d’éviter les plus grosses erreurs dans la relation avec une helper" - ainsi nomme-t-elle les employées de maison.
L'actuelle ministre de l'Éducation donne, entre autres nombreux conseils, une liste d’impératifs pour "trouver sa meilleure candidate" : outre la vérification du permis de travail, mieux vaut ainsi "évaluer le coût des avantages en nature (repas, produits de toilette, transports, téléphone, etc)" ou de savoir que les congés payés, ni obligatoires, ni recommandés sont "laissés au libre choix de l’employeur".
Tout en rappelant que «"la candidate parfaite n’existe pas" et qu’elles ne sont pas "wonderwoman", Anne Genetet recommande de "la laisser parler au moins 80% du temps", d’évaluer le niveau d’endettement de l’employée et se préparer à de futures demandes d’augmentation pour "ajuster le salaire de départ".
D’autres astuces étonnantes ponctuent l’onglet "Gérer votre employée au quotidien":
- "Parlez à voix douce : élever le ton va la paralyser ; dans sa culture, c’est très mal perçu"
- "Ne faites aucune remarque négative devant témoin (conjoint, enfant, amis, voisins, autre helper, etc) : elle se sentirait humiliée quelle que soit la remarque, mineure ou importante"
- "Une helper qui se sent humiliée devient ingérable ; elle cherchera à changer de famille"
Sur un autre page encore, Anne Genetet estime "qu’après une expérience en famille occidentale, l’employée a pris de l’assurance, croit déjà tout connaître et peut être difficile à gérer, refusant parfois de se soumettre à vos exigences".
Dans sa vie d'avant, à Singapour, Anne Genetet prodiguait ses conseils aux expats en matière de gestion du petit personnel. Il faut lire ça, c'est... instructif. 🤮 pic.twitter.com/qjRdZpUN7g
— Chartrain Olivier (@ChartrainOlivi2) September 23, 2024
Des cours de "terrines d'été" et pains aux raisins
Depuis sa nomination, en partie poussée par Gabriel Attal selon Le Parisien, des internautes ont exhumé des publications d'un autre genre, de la part de la nouvelle occupante de la rue de Grenelle. Certaines sont issues d’un groupe d’échanges entre expatriés. On y trouve des cours de cuisine dispensés par l’élue En Marche : terrines d’été, pains du petit-déjeuner, verrines de Saint-Jacques… pour 70 euros. À ce prix-là, le livret de recettes et la dégustation sont compris.
C'est stratosphérique. https://t.co/RBDxCqmtwA
— Sandrine Rousseau (@sandrousseau) September 22, 2024
Les réactions n’ont pas tardé au sein de la sphère politique et syndicaliste. La députée écologiste Sandrine Rousseau parle d’une information "stratosphérique". Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU et professeure d’EPS, regrette, elle, "une erreur de casting" au sein du nouveau gouvernement. Au micro de franceinfo, Elisabeth Allain-Moreno secrétaire générale de SE-Unsa, s’est dite "inquiète" face à une ministre qui "sur le papier, n'a aucune expertise dans le domaine de l'école".
Un parachutage compliqué pour Anne Genetet qui, comme Michel Barnier l'a indiqué à tous ses nouveaux ministres ce matin, a la tâche d'être "irréprochable et modeste".
Anne Genetet a travaillé sur l'optimisation fiscale des expatriés et le conseil pour la gestion des personnels de maison. Pas les urgences et les enjeux de l'Ecole !
Erreur de casting comme Amélie Oudéa-Castéra ?!
Quel mépris pour les personnels, l’École et la démocratie 😡 https://t.co/fC6waAFsUu— Sophie Vénétitay (@SVenetitay) September 21, 2024
Piloter l'Ecole ne s'improvise pas. Le service public d'éducation a déjà bien trop souffert d'être sous tutelle élyséenne !@SE_Unsahttps://t.co/zZ07rdfDNq
— Elisabeth Allain-Moreno (@EAM_seunsa) September 22, 2024