Un an après le suicide de Dinah, la justice classe l’affaire sans suite

(FILES) In this file photo taken on October 24, 2021 members of the public hold a banner which reads as

« La mort de Dinah n’est pas consécutive à un harcèlement scolaire », a estimé la procureure de la République. Sa mère exprime son incompréhension.

JUSTICE - Près d’un an après le suicide de Dinah Gonthier, la procureure de Mulhouse (Haut-Rhin) a annoncé ce vendredi 30 septembre le classement sans suite de l’affaire. De son côté, la famille de la jeune fille de 14 ans maintient qu’elle a été victime de harcèlement scolaire.

« Pour le parquet, la mort de Dinah n’est pas consécutive à un harcèlement scolaire », a expliqué la procureure de la République à Mulhouse Edwige Roux-Morizot, lors d’une conférence de presse.

La magistrate s’est exprimée avec beaucoup de prudence et de sensibilité, semblant peser chacun de ses mots concernant « la plongée dans l’intimité » de cette jeune fille, rendue nécessaire par les deux enquêtes pour recherche des causes de la mort et pour harcèlement scolaire.

« Tous les actes d’investigation n’ont pas été réalisés. Le téléphone portable de Dinah n’a pas été exploité aux bonnes dates. Ils n’ont regardé que sur les deux derniers mois, et elle n’était plus au collège à ce moment-là. Il fallait regarder sur l’année où elle était en quatrième », a réagi dans Libération la mère de Dinah, Samira Gonthier. « Ma fille a été harcelée et ça a été prouvé. On l’a vu dans les messages qu’elle a reçus, avec les élèves qui ont témoigné. On ne s’est pas réveillés un matin en disant « elle est morte, on va dire qu’elle a été harcelée ». »

« Pas du tout insultée en raison de son orientation sexuelle »

Après une première tentative de suicide en mars 2021, Dinah, scolarisée en classe de seconde à Mulhouse, est décédée au domicile familial de Kingersheim dans la nuit du 4 au 5 octobre 2021.

Sa famille avait porté plainte le mois suivant pour « harcèlement », « homicide involontaire » ou encore « incitation au suicide », pour des faits qui se sont déroulés entre 2019 et 2021, quand Dinah était en classe de 4e et de 3e. Elle accusait le collège de ne pas avoir réagi à la situation.

« Il y a eu en effet certaines insultes, mais auxquelles elle répondait sans difficulté, mais il y a eu surtout une souffrance de quitter un groupe qu’elle formait avec un certain nombre d’amies » en classe de 3e, a expliqué la procureure de Mulhouse.

« Il y a eu (entre son nouveau groupe d’amies et l’ancien) des échanges un peu houleux qui ont rendu notamment Dinah très malheureuse, mais aucun élément objectif ne ressort qui puisse être qualifié de harcèlement », a-t-elle ajouté. Par ailleurs, la jeune fille n’était « pas du tout insultée en raison de son orientation sexuelle » ni de son métissage, a également souligné la procureure.

« Déséquilibre psychique »

Achevée en avril et présentée à la famille en mai, l’enquête, « objective, exhaustive, impartiale et très complète » selon Edwige Roux-Morizot, avec au total une centaine de personnes entendues, a permis de dresser un portrait assez précis de Dinah, une « jeune fille brillante, absolument pas isolée » mais aussi avec un côté sombre, « une personnalité complexe, avec un déséquilibre psychique ».

« Elle avait une soif de reconnaissance telle que ce n’était jamais assez, elle était toujours insatisfaite », a noté la magistrate.

L’avocate de la famille de Dinah a encore la possibilité de déposer un recours auprès du procureur général ou une plainte avec constitution de partie civile auprès d’un juge d’instruction. « On va y réfléchir tranquillement », a indiqué à l’AFP Me Laure Boutron-Marmion, qui d’ores et déjà « conteste formellement » les conclusions du parquet.

Cette annonce de classement sans suite est « évidemment décevante » pour la famille de Dinah, pour laquelle cela constitue « une épreuve supplémentaire, surtout à quelques jours de l’anniversaire de sa mort », a rapporté l’avocate.

Dinah vivait « un calvaire », assure l’avocate de la famille

Me Boutron-Marmion dénonce, de la part du parquet, une « lecture vindicative du dossier », alors qu’au contraire, selon elle, « l’enquête démontre des faits de harcèlement clairs ». « Beaucoup d’auditions ont pu confirmer le calvaire que vivait Dinah » et, « à ce stade, l’enquête démontre un établissement scolaire aux abonnés absents face à sa détresse », affirme l’avocate de la famille, jugeant que « le parquet met le curseur différemment » sur ce qu’est du harcèlement.

Elle a fait parvenir mercredi une demande d’actes d’enquête supplémentaires, notamment l’exploitation du téléphone de Dinah au moment où elle était en classe de 3e. Edwige Roux-Morizot a expliqué avoir choisi de communiquer de manière plutôt inhabituelle, sur un classement sans suite, « dans la mesure où un collège en entier a été stigmatisé et l’équipe éducative nommément désignée ».

La procureure a d’ailleurs annoncé qu’« un militaire, qui habite à l’autre bout de la France », et une autre personne résidant à Dijon, qui avaient proféré sur les réseaux sociaux des menaces de mort visant des personnels du collège de Dinah, avaient été identifiés et seraient jugés par le tribunal correctionnel en mars.

VIDÉO - "Des commentaires, des insultes… J’ai subi du cyberharcèlement dès l’âge de 13 ans. C’est compliqué pour te construire."

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