Amsterdam : d'où vient le mot pogrom, utilisé par le président israélien pour qualifier l'agression de supporters du Maccabi Tel Aviv

À la suite de l'attaque contre des supporters du Maccabi Tel Aviv, Isaac Herzog et d'autres responsables israéliens n'ont pas hésité à employer cette référence historique.

Des monuments rappelant les pogroms survenus au XXe siècle existent dans toute l'Europe, comme ici au Portugal (Photo : Getty Images)

Un terme lourd de sens, qui renvoie à une douloureuse page de l'Histoire. Après l'agression d'une dizaine de supporters du club de football du Maccabi Tel Aviv, ce jeudi 7 novembre à Amsterdam, de nombreux responsables politiques israéliens ont exprimé leur indignation, n'hésitant pas à affirmer que les victimes avaient été attaquées parce qu'elle étaient juives.

Ainsi, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a qualifié cet épisode d'"attaque antisémite préméditée" et a dépêché deux avions sur place pour évacuer les citoyens israéliens présents à Amsterdam. De son côté, le président de l'Etat hébreu Isaac Herzog a dénoncé dans un message publié sur X un "pogrom antisémite" survenu "en plein cœur d'Amsterdam".

Loin d'être anodin, le terme pogrom renvoie à de douloureuses pages de l'histoire de la communauté juive en Europe. Comme l'explique le dictionnaire étymologique du Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL), il est ainsi utilisé depuis la fin du XIXe siècle pour décrire des "émeutes contre des juifs".

Il s'agit au départ d'un mot russe transposé tel quel en français (et dans d'autres langues). La notice du CNRTL précise ainsi que le mot pogrom est en fait "dérivé de gromit' 'détruire' et du préfixe po- indiquant une notion d'achèvement". Selon The Holocaust Encyclopedia, il peut ainsi être traduit par "faire des ravages" ou "démolir violemment". La notion de violence sans limites est donc étroitement associée à ce terme.

Son origine étymologique indique par ailleurs le contexte historique dans lequel il est apparu. The Holocaust Encyclopedia rappelle que le mot pogrom a été utilisé pour la première fois à la fin du XIXe siècle pour décrire les "attaques violentes des populations locales non juives contre les Juifs dans l'Empire russe et dans d'autres pays".

Plus précisément, selon l'encyclopédie Britannica, le terme est employé au départ pour désigner les émeutes qui suivent l'assassinat du Tsar Alexandre II en 1881. "Bien que l'assassin ne fut pas juif et qu'une seule personne juive ait été associé à lui, de fausses rumeurs ont incité des foules russes, dans plus de 200 villes, à attaquer des juifs et à détruire leurs biens", ajoute l'article encyclopédique.

Dès l'origine, le terme pogrom implique aussi la notion de complicité, ou au moins de complaisance, des pouvoirs publics à l'égard des exactions commises contre la population juive. "Les auteurs des pogroms s'organisaient localement, parfois avec l'encouragement du gouvernement et de la police, affirme ainsi The Holocaust Encyclopedia. Ils violaient et assassinaient leurs victimes juives et pillaient leurs biens."

A partir de la fin du XIXe et jusqu'à sa chute en 1917, l'Empire russe a ainsi été le théâtre de toute une série de pogroms dans différentes villes, dans un contexte d'antisémitisme généralisé. Selon The Holocaust Encyclopedia, les deux révolutions de 1917 n'ont d'ailleurs pas fondamentalement changé la donne, puisque dans le cadre de la guerre civile qui a suivi, des "dizaines de milliers de juifs" ont été tués "dans des violences de type pogrom" en Biélorussie et en Ukraine entre 1918 et 1920.

Dans le contexte troublé de la première moitié du XXe siècle, l'antisémitisme décomplexé est cependant loin d'être une exclusivité russe. Au fil des années, le terme pogrom s'est ainsi "exporté" pour désigner d'une manière générale un "soulèvement violent allant souvent jusqu'au massacre, organisé contre une communauté juive", comme le souligne la définition du Trésor de la langue française.

De nombreux pogroms vont ainsi être commis en Allemagne et en Pologne dès l'arrivée au pouvoir du régime nazi d'Adolf Hitler, le plus tristement célèbre étant celui de la "Nuit de Cristal", du 9 au 10 octobre 1938. Ce triste épisode, au cours duquel plus de 2000 personnes de confession juive ont été tuées et près de 70 000 autres ont été déportées, annonçait les exactions à venir, encore plus terribles, de la Shoah.

Etroitement associé à l'histoire récente du judaïsme, le terme pogrom a aussi été utilisé rétrospectivement par certains historiens, pour désigner les agressions ciblées et les massacres dont ont été victimes les populations juives à travers l'histoire, aussi bien dans l'Egypte ancienne qu'en France et en Angleterre à l'époque des croisades.

Comme le signale Le Trésor de la langue française, le terme a aussi parfois été élargi pour désigner un "soulèvement meurtrier suscité par toute forme de racisme et d'intolérance". L'encyclopédie Britannica le définit ainsi d'emblée comme une "attaque collective, approuvée ou tolérée par les autorités, contre les personnes et les biens d'une minorité religieuse, raciale ou nationale" et précise l'origine antisémite du terme dans la suite de l'article.