Amélie Nothomb revient sur son combat contre l’anorexie : "À 12 ans, ma vie a totalement basculé"

PARIS, FRANCE - APRIL 12: Amélie Nothomb attends
Amélie Nothomb revient sur son combat contre l’anorexie : "La nourriture était devenue une inquiétante étrangeté" (Photo by Stephane Cardinale - Corbis/Corbis via Getty Images)

Elle est sans aucun doute l’une des plus célèbres écrivaines francophones. Amélie Nothomb est de retour avec un nouveau roman, "Le Livre des soeurs", dans lequel elle conte l’histoire, entre autres, d’un personnage qui souffre d’anorexie… comme elle par le passé. Aujourd’hui, à 56 ans, Amélie Nothomb revient sur cette période douloureuse survenue après un évènement particulièrement traumatisant à l’aube de son adolescence.

"Métaphysique des tubes", "Ni d’Eve ni d’Adam", "Cosmétique de l'ennemi", "Robert des noms propres", "Les prénoms épicènes", et tant d’autres : en plusieurs années, Amélie Nothomb a signé bien des succès. Si ses livres s’arrachent en librairie, sa personnalité aussi intrigante que mystérieuse cristallise de nombreuses questions. Elle qui semble souvent flotter au-dessus de son temps, tout en saisissant chacun des enjeux qui l’entourent. Car au-delà de l’écrivaine, Amélie Nothomb est une femme au passé douloureux, dont elle se sert pour écrire les maux de ses personnages de fiction. Comme dans son dernier ouvrage, "Le livre des soeurs", où il s’agit notamment d’anorexie. Un sujet qu’elle connait bien.

Vidéo. Amélie Nothomb très émue en découvrant des images de son père dans En Aparté

"J’aurais tout donné pour que quelqu’un vienne me dire qu’on peut s’en sortir"

Dans un entretien récemment accordé à Paris Match, Amélie Nothomb est ainsi revenue sur cette maladie dont elle a souffert plus jeune : "Durant mon adolescence, la nourriture était devenue une inquiétante étrangeté" lâche-t-elle. Et si elle a choisi d’en parler, c’est bien parce qu’Amélie Nothomb est tout à fait consciente de l’ampleur de la souffrance des personnes qui, comme elle, ont traversé cette épreuve. "Aujourd'hui, j'ai de plus en plus de lectrices - et même de lecteurs - anorexiques, qui m'écrivent pour me demander conseil" assure l’écrivaine, tout en apportant de sages paroles à ses aficionados : "J’aimerais les aider, mais je n'ai pas les clefs. Le seul message d'espoir que je peux leur envoyer : je suis la preuve qu'on peut guérir à 100% de l'anorexie. Quand j'avais 15 ans, j'aurais tout donné pour que quelqu'un vienne me dire qu'on peut s'en sortir."

Ce n’est pas la première fois qu’Amélie Nothomb se confie sur l’anorexie dont elle a souffert plus jeune. Une maladie notamment déclenchée à la suite d’un évènement ô combien douloureux et traumatisant. En 2017, c’est dans un entretien accordé au Monde qu’elle dévoilait enfin la vérité sur ce qui était jusqu’alors un "secret indicible" : le viol dont elle a été victime dans son enfance, alors qu’elle vivait à l’étranger avec sa famille. "Un événement-clé que je raconte brièvement dans 'Biographie de la faim', expliquait-elle alors. Une baignade en mer, au Bangladesh, où vivait alors ma famille, et au cours de laquelle j'ai été agressée sexuellement par quatre hommes. Je ne veux pas m'appesantir sur cet événement qu'il m'a fallu dépasser. Disons simplement que l'année de mes 12 ans fut charnière. D'un coup, j'ai découvert la puberté, la violence, la haine de soi, la haine tout court, la fatigue et le froid. Autant de sensations qui m'étaient alors parfaitement inconnues."

Si Amélie Nothomb a mis du temps à parler de ce viol, c’est par peur de ne pas recevoir le soutien nécessaire, comme ce fut le cas au moment des faits : "Dieu sait si j'ai peu parlé de cet épisode, mais chez les gens plus âgés, les réactions ont été ignobles. Subsiste toujours l'idée que la victime est en réalité coupable. Ce n'est pas pour rien que j'ai si mal vécu cette histoire. On me renvoyait une culpabilité que j'ai fini par intégrer" confiait-elle, encore éprouvée, dans les colonnes du Monde. Une description qui colle parfaitement à ce que ressentent hélas encore beaucoup de femmes qui ressentent crainte et culpabilité au moment de partager leur histoire.

"Je serais quelqu'un de bien mieux si je n'avais pas été anorexique"

Toujours est-il que de ce viol, la jeune Amélie Nothomb a gardé de lourdes séquelles. Difficile de se construire à l’aube de son adolescence après avoir vécu un tel évènement si traumatisant. Soudainement, son rapport au corps n’a plus été le même. "Les voix qui me parlaient dans ma tête étaient nettement moins agréables. J'ai soudain eu le sentiment de vivre avec un ennemi intérieur. Une sorte de monstre générateur d'angoisse. Ma vie a totalement basculé. Tous les matins, je dois me battre. Et tous les matins, tout est à recommencer. Car les forces obscures sont toujours en moi" confiait-elle dans les colonnes du Monde.

Vidéo. Inès, 26 ans : "Une femme grosse peut aussi être anorexique"

Plus tard, c’est au Parisien que l’auteure était revenue sur le mal dont elle souffrait : "L'anorexie a agi comme une chimiothérapie. Quand il est question de ces personnes qui m'ont fait du mal, j'éprouve un profond néant. Je ne me suis jamais inscrite dans un discours victimaire, et cela m'a permis d'avancer. Ma vie est très difficile, mais je suis quelqu'un d'heureux aujourd'hui." Pour autant, si ses mots sur l’anorexie sont forts, Amélie Nothomb a toujours tenu à sensibiliser les consciences autour de ce mal : "Il est hors de question que je valorise l'anorexie. Trop de gens l'idéalisent en pensant qu'il y a quelque intérêt à y trouver. C'est faux ! Elle fait des ravages. Je serais quelqu'un de bien mieux si je n'avais pas été anorexique."

Comme ce fut le cas pour Amélie Nothomb, des femmes tombent dans l’enfer de l’anorexie après un évènement violent et traumatisant, physique ou psychologique. C’est d’ailleurs l’objet de nombreuses études qui tendent à faire le lien entre violences sexuelles et troubles du comportement alimentaire. En janvier 2022, une étude publiée dans la revue internationale Eating and Weight Disorders a mis en lumière un chiffre : 4,3% des victimes de violences sexuelles développent des TCA…

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