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Crise diplomatique au Brésil : la France est-elle irréprochable en Amazonie ?

Emmanuel Macron a critiqué la politique de Jair Bolsonaro en Amazonie. Mais la France est-elle irréprochable à ce sujet ?
Emmanuel Macron a critiqué la politique de Jair Bolsonaro en Amazonie. Mais la France est-elle irréprochable à ce sujet ?

La politique du président brésilien Jair Bolsonaro concernant sa gestion de l’Amazonie est très critiquée par la communauté internationale. Emmanuel Macron s’est posé en chef de file de ses opposants, mais est-il légitime dans ce rôle ?

Depuis plusieurs jours, la forêt amazonienne est en proie aux flammes. La politique de Jair Bolsonaro est pointée du doigt par la communauté internationale. En tête de file, Emmanuel Macron a notamment dénoncé le manque d’action du président brésilien pour lutter contre le réchauffement climatique, ainsi que sa responsabilité dans la déforestation massive.

Une crise diplomatique entre les deux pays a même éclaté lorsque le chef de l’Etat français a assuré, le 23 août dernier, qu’il ne ratifierait pas le traité avec le Mercosur “en l’état”. Une décision saluée notamment par Nicolas Hulot. Mais la France est-elle totalement irréprochable concernant la protection de la forêt amazonienne ? Pas si sûr, selon le Grand Conseil coutumier des peuples amérindiens et bushinengés, qui a publié une tribune sur Franceinfo ce 25 août.

Les mines d’or pointées du doigt

Les signataires s’étonnent ainsi de la position du Président sur le Brésil compte tenu de la politique appliquée en Guyane Française. Cette collectivité d’outre-mer est recouverte à 90% de forêt tropicale, dont une partie appartient à l’Amazonie. Or, selon le Grand Conseil, la France a accordé 360 000 hectares de forêt à différentes multinationales minières. Un chiffre que le sénateur LREM de Guyane Georges Patient a tenu à relativiser dans Le Parisien. “360 000 hectares, ça représente à peine 4% du territoire guyanais” précise-t-il. D’autant que ce chiffre compte aussi les surfaces qui font uniquement l’objet de permis de recherche.

Il n’empêche que la moindre exploitation minière a des conséquences très néfastes sur l’environnement. “D’abord parce qu’il faut construire des routes dans la forêt, ce qui cause une importante déforestation”, nous précise Frédéric Amiel, chercheur biodiversité à l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales). Mais aussi parce que “qui dit mine dit construction de logements pour les travailleurs, voire de villages ou de villes, ce qui entraîne une importante pression sur la forêt”, poursuit-il.

Le travail d'extraction en lui-même est également lourd de conséquences. “Les mines d’or sont très polluantes. Elles causent de nombreux déchets contaminés”, nous indique Yann Laurans, directeur biodiversité de l’IDDRI. “Ils terminent dans des sites de stockages, bien souvent des barrages, mais cette méthode pose question, car plusieurs d’entre eux ont déjà cédé”. Des accidents qui nuisent gravement à la forêt amazonienne et à ses habitants.

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Les autochtones en quête de reconnaissance

Autre orientation politique pointée du doigt dans la tribune du Grand Conseil coutumier : le refus de la France de ratifier la convention 169 de l’Organisation internationale du travail, qui concerne “les peuples indigènes et tribaux”. Elle vise notamment à reconnaître que leurs droits soient bien respectés. Avec cette convention, les peuples autochtones doivent être consultés avant l’exploitation des sols qu’ils occupent traditionnellement. La France n’a jamais accepté de la ratifier en vertu “du principe d'indivisibilité de la République et conformément au principe d'égalité, des droits collectifs [qui] ne peuvent prévaloir sur les droits individuels".

Cependant, depuis la loi biodiversité votée en août 2016, les communautés d’habitants sont consultées avant la prise de ressources dans la forêt, comme le précise Yann Laurans.

Prise de conscience sur le Mercosur

Le 23 août, Emmanuel Macron a fait marche arrière sur l’accord de l’Europe avec le Mercosur. Il a assuré de pas vouloir le ratifier “en l’état”. Si les défenseurs de ce traité se félicitent notamment d’avoir inclus des garanties pour la protection de la forêt, ses opposants les trouvent bien trop légères. Ils regrettent notamment que la partie sur l’environnement soit non contraignante.

D’après ce qui a été dévoilé de l’accord, si les pays du Mercosur ne respectent pas leurs engagements écologiques, ils ne risquent, dans l’état actuel du traité, qu’un “rappel à l’ordre” et, au pire des cas, qu’un panel d’experts leur donne des “recommandations”, d’après ce qui a été dévoilé de l’accord. Emmanuel Macron n’a cependant pas encore précisé quels changements étaient nécessaires pour que la France accepte le traité.

Un premier pas sur la déforestation importée

Pour Frédéric Amiel, la France est l’un des premiers pays à se doter d’une politique contre la déforestation importée - c’est-à-dire l’importation de produits causant la déforestation. Le plan climat de 2017 introduisait déjà une stratégie à ce sujet.

“Le facteur limitant, c’est que la France évolue dans le marché commun européen”, précise-t-il. D’autre part, le gouvernement n’a pas encore tranché sur l’ampleur de cette politique : “le pays va-t-il vraiment interdire la déforestation importée ou va-t-il seulement prendre des mesures incitatives ?”, la question n’est pas tranchée, selon Frédéric Amiel.

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