Alpha - The Right To Kill : 3 questions à Brillante Mendoza

AlloCiné : Alpha traite des mêmes questions que votre série Amo, mais vous semblez les avoir abordées différemment, peut-être d'une manière plus nuancée. Votre opinion a-t-elle changé ? Pourquoi avez-vous voulu faire ce film ?

Brillante Mendoza : Mon opinion sur le problème des drogues illicites aux Philippines reste la même. C’est un fléau, qui continue de détruire nos communautés. Quand des gens très puissants exploitent les failles de nos institutions et les faiblesses psychologiques et financières des citoyens ordinaires, il n’y a pas d’autre moyen que de faire face à cette question avec des solutions concrètes. Cependant, la stratégie du gouvernement philippin n’est pas parfaite. Elle est notamment coupable de son incapacité à se concentrer sur la cause fondamentale de la prolifération des drogues illicites dans notre pays, à savoir la pauvreté.

En 2018, la planification socioéconomique des Philippines indiquait qu’une famille de cinq arait besoin de 42 000 pesos par mois (environ 720 euros) pour vivre au-dessus du seuil de pauvreté. Si on considère le niveau de vie actuel de la plupart des Philippins, je ne sais pas par quel miracle on pourrait y parvenir. Il n’est pas surprenant que le commerce illicite de drogue soit une véritable industrie artisanale familiale : 92% des communautés de la région métropolitaine de Manille étaient infestées par la drogue en 2015. Cela étant dit, Alpha montre un autre aspect de cette guerre contre la drogue. Les histoires de personnes directement touchées par ce problème ont été parasitées par les politiques corrompues qui ont été menées. Et dans cette guerre brutale, personne n'est en sécurité, qu'on soit un criminel ou simplement cupide.


Les bidonvilles de Manille entourant le quartier d'affaires

Manille, filmée principalement de nuit en caméra à l'épaule, est le véritable protagoniste du film, semblable à un labyrinthe monstrueux et oppressant, mais aussi très colorée et belle. Est-ce ainsi que vous la voyez?

Ce n’est pas comme ça que je la vois, mais c’est la façon dont les images crient la vérité, peu importe la façon dont nous la dissimulons avec une fausse grandeur de développement. Il n’en reste pas moins que le progrès aux Philippines ne sert qu'une caste de gens apathiques, riches et prétentieux, tandis que les milliers de gens qui vivent dans ce labyrinthe oppressant et sordide qui entoure les hauts immeubles des quartiers d’affaires de Manille sont toujours marginalisés. Ces gens sont obligés de survivre seuls, moralement ou amoralement, sans l'aide d'institutions dont la priorité devrait être de les assister.

Alpha est en effet avant tout un film sur la survie, est-ce pour souligner cette dimension viscérale que vous vouliez en faire un thriller?

Lorsque nous faisions des recherches pour Amo et Alpha, nous n’avions pas vraiment de genre précis en tête. Il se trouve que les informations recueillies lors de ces immersions auprès de personnes directement touchées par la guerre contre la drogue étaient glaçantes, au-delà des images cahotiques montrées chaque jour à la télévision. C'est pour cela que le film est devenu un thriller. 

La bande-annonce d'Alpha - The Right To Kill, en salle dès aujourd'hui :