Allons en Tunisie

Qui aurait pu penser qu’un jour des gens pourraient mourir pour avoir voulu visiter un musée, pour être descendus d’un minibus afin de visiter un musée ? Qui aurait pu imaginer que prendre une semaine de vacances low-cost pour la côte tunisienne, ou louer un menzel à Djerba deviendrait un acte politique ? Nous n’avons aucune imagination. Qui aurait pu deviner que le tourisme de masse, cette activité moderne synonyme d’enlaidissement de notre planète, pourrait devenir un enjeu politique ? Que les touristes qui aimaient tant flâner à Sidi Bou Saïd choisiraient d’autres destinations, malgré les prix cassés et les appels au secours. Nous sommes des moutons. Touristes, relevons la tête !

Pourquoi ne déciderions-nous pas de changer de style, puisque, de toute façon, la peur ne change rien au danger ? Nous n’avons pas peur.

C’est ce que criaient, mercredi soir, les jeunes Tunisiens et Tunisiennes sur les marches du musée du Bardo. Et ils avaient peur, bien sûr. Ça se voyait très bien. Mais aussi ils étaient en colère.

Comme nous, il y a quatre-vingts jours.

Moi aussi, j’ai peur. Et je suis en colère, et je pense qu’il n’est plus temps de dire nous ne pouvons rien, que nous ne savons rien, que nous ne ferons rien. En 1936, Sylvia Townsend Warner ou Gerda Taro, ou Simone Weil et Julian Bell, le neveu de Virginia Woolf, partirent en Espagne rejoindre les Brigades internationales. Je nous propose un but plus modeste, moins héroïque, presque idiot, presque risible. Mais le ridicule est souvent synonyme d’honnêteté.

Allons en Tunisie. Les hôtels sont vides, les équipements rouillent, les musées sont vides, les plages sont désertes, la «révolution de jasmin», en sa quatrième année, a besoin de notre appui.

Je fais un rêve, un rêve minuscule, dérisoire : que les agences de tourisme soient prises d’assaut, qu’avril, mai et juin et l’été 2015 voient des vols spéciaux de touristes affluer. Carthago non delenda est.



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