Allonger le délai légal de l'IVG? Macron a beau avoir dit non, Castaner veut avancer

Photo d'illustration - LIONEL BONAVENTURE / AFP
Photo d'illustration - LIONEL BONAVENTURE / AFP

"Bien sûr qu'on va y arriver", cherche à convaincre l'entourage de Christophe Castaner auprès de BFMTV.com. Il faut dire que le patron du groupe La République en marche à l'Assemblée nationale a mouillé la chemise ces derniers jours. Il veut à tout prix faire aboutir la proposition de loi allongeant le délai légal de l'interruption volontaire de grossesse de 12 à 14 semaines. Problème: le président de la République n'est pas d'accord.

Les choses avaient pourtant bien commencé. En octobre 2019, le Palais-Bourbon adopte la proposition de loi de l'ex-députée marcheuse Albane Gaillot. Mais au Sénat, le groupe LaRem ne s'empresse pas pour reprendre le texte. C'est finalement les socialistes par l'intermédiaire de Laurence Rossignol, l'ex-ministre des droits des femmes, qui s'emparent du sujet et font inscrire le texte à l'ordre du jour.

"Garantir un droit réel et égal"

Mais la droite sénatoriale le rejette. Les sénateurs s'appuient sur les conclusions de l'Académie nationale de médecine. Celle-ci estime que les avortements chirurgicaux à 14 semaines entraînent "des manœuvres chirurgicales qui peuvent être dangereuses pour les femmes et à une dilatation du col plus importante susceptible de provoquer des complications à long terme comme un accouchement prématuré".

L'histoire pourrait en rester là. Mais le 6 octobre dernier, Christophe Castaner s'exprime dans Le Parisien pour "appeler à l'allongement des délais si on veut garantir un droit réel et égal à celles qui doivent être protégées". On estime aujourd'hui qu'entre 1500 et 2000 femmes vont aujourd'hui à l'étranger après avoir dépassé le délai légal de 12 semaines en France.

Macron dit non

Mais il reste un problème à régler, et pas des moindres: Emmanuel Macron a dit l'exact contraire dans un entretien à Elle l'été dernier.

"L’IVG est une conquête immense pour les femmes et pour les hommes, pour la dignité et l’humanité de tous. Mais je mesure le traumatisme que c’est d’avorter", déclare le président dans les colonnes du magazine.

Quelques heures plus tard au micro de France info, le patron des députés exprime "son désaccord" avec l'Elysée. Un ancien ministre qui tacle le président... Le fait est rarissime en macronie.

Se rappeler à la gauche

"C'est une façon de donner des gages à l'électorat de gauche. A part la PMA pour toutes, on n'aura pas grand-chose à vendre en réforme de société en 2022. L'allongement de l'IVG pourrait marquer les esprits", juge un député de la majorité auprès de BFMTV.com.

Beaucoup au sein de la macronie ne souhaitent pas participer à ce bras de fer. A commencer par François Patriat, le patron du groupe LaRem au Sénat.

"Nous n’avons pas abordé cette proposition de loi au petit-déjeuner de la majorité. Et notre niche parlementaire de novembre est consacrée au texte sur le foncier agricole", explique-t-il auprès de Public Sénat. Avant d'ajouter:

"Le président n'en veut pas et je suis toujours le président".

Une pression "pas acceptable"

"Nous sommes tous évidemment très favorables à ce texte dans toute la majorité. On va bien sûr trouver une solution pour que ce texte soit voté avant la fin de la session parlementaire, en février prochain", assure pourtant un membre du cabinet de Christophe Castaner. LaRem compte donc sur le groupe socialiste pour reprendre le texte au Sénat.

L'initiative est peu appréciée sur les bancs de la gauche du Palais du Luxembourg. "Je ne sais pas si tout cela va déboucher sur quelque chose... Nous avons rencontré Marc Fesneau, le secrétaire d'Etat au Parlement, ce mercredi et il nous disait que le calendrier parlementaire était déjà bien chargé", fait remarquer Laurence Rossignol, ancien ministre des droits des femmes.

"Et ce n'est quand même pas à nous, socialistes, de trouver une solution au problème de la majorité présidentielle. Le gouvernement pourrait tout simplement inscrire ce texte à l'ordre du jour. Nous mettre sous pression comme ça n'est pas acceptable", juge la sénatrice socialiste.

L'optimisme de Christophe Castaner, aussi affirmé soit-il, pourrait bien ne pas résister au Sénat.

Article original publié sur BFMTV.com